26.7.04

Eva Perón

Actrice et femme politique argentine née le 07 mai 1919 et décédée le 26 juillet 1952

«Comme la majorité des femmes, je suis plus forte que je n'en ai l'air.» Eva Peron



Quelque part dans la pampa. Deux fils à papa invitent à un dancing deux jeunes adolescentes aux yeux de rimmel et de rêve. Elles se retrouvent en pleine nuit, abandonnées, dénudées, sur un petit chemin isolé. Une voiture les cueille inopinément dans la matinée. L'une d'elles s'appelle Maria Eva Duarte.

Août 1952. Deux millions d'Argentins envahissent en silence les rues de Buenos Aires. Un cortège funèbre défile avec lenteur dans l'Avenida de Mayo. La jeune première dame gît sur un affût de canon tiré par des chevaux noirs, enveloppée des oripeaux bleus du drapeau national. Le coeur de l'Argentine s'est arrêté.

Élevée au rang de Madona par le petit peuple ému, qui submerge Rome de 40 000 demandes de béatification, vilipendée par l'arrogante oligarchie, qui la traite d'arriviste et s'efforce d'effacer toute trace de son étourdissante action politique, elle survole le tumulte comme le majestueux condor déployant ses larges ailes sous l'immense soleil du Rio de la Plata.

Evita n'est plus, mais sa voix rauque et vibrante ne cesse de retentir. Quel feu de haine ou d'amour elle allume dans son sillage. Véritable énigme que cette captivante femme aux mille chatoiements qui, telle un sphinx, se fait l'écho de votre propre coeur. Qui est cette femme?

Maria Eva Duarte naît le 7 mai 1919 à Los Toldos, village perdu dans la steppe des gauchos. D'origine basque, sa mère Juana Ibarguren est servante dans l'humble estancia de Juan Duarte, éleveur de bétail. Elle a 5 enfants illégitimes de lui. Première tache de maté sur la petite robe de Maria Eva. L'enfant perd son père à 4 ans. Dur choc pour la famille d'Eva, évincée par l'épouse légitime de Juan Duarte. La lionne Ibarguren se débrouille pour subsister par d'épuisants travaux de couture. Les enfants subissent des affronts à l'école.

Quitter Los Toldos est une ascension sociale; la famille s'établit à Junín, dans une maison modeste. Les enfants trouvent un emploi, la mère fait la cuisine pour des messieurs bien. Nécessité oblige, Eva ne fréquentera pas l'école longtemps. On le lui reprochera méchamment. Elle rêve d'être actrice. Son idole est Norma Shearer, originaire de Montréal, star du cinéma américain de l'époque.

À 15 ans, Eva quitte le giron familial pour Buenos Aires, grande ville aux mille fantasmes et aux quartiers bigarrés, vibrant aux accents du tango et aux mugissements des abattoirs. Pendant 7 ans, elle vit d'espoirs, bouts de rôles par-ci par-là, cinéma, radio, bar ou théâtre, criant famine, pitance et bondance, robe empruntée, starlette courant impresario et studio, s'accrochant farouchement à son étoile.

Janvier 1944, gala de bienfaisance. Elle est vedette de radio quand elle rencontre Juan Perón, sourire charmeur, casquette blanche et bottes noires, ministre éminent du gouvernement. Elle a 24 ans. Il est immédiatement conquis par la fougue et l'éloquence de cette femme au physique menu. C'est alors que s'amorce leur phénoménal destin.

Elle poursuit sa carrière de cinéma et de radio, dénigrant les puissants, exaltant les déshérités, Jeanne d'Arc étendard de Perón, Pasionaria éperdue de justice. Robe soyeuse, elle tient maintenant le haut du pavé. Après quelques mois, Perón est sacqué du pouvoir par l'armée et confiné à l'île Martín García. Un moment déroutée, Eva relève le chignon. Il faut libérer son destrier adoré. Elle se bat comme une tigresse, mobilisant ouvriers et syndicats.

Surgit la miraculeuse manifestation du 17 octobre 1945, signal de la révolution des sans-chemises, les descamisados, qui transportera Perón à la présidence, propulsant Eva Duarte prima donna de la Casa Rosada, la maison blanche argentine. A quelques pas de là, un jeune Ernesto Guevara songe à des études de médecine.

L'Europe est exsangue, et les populations affamées. L'Argentine dispose de vastes réserves d'or accumulées au fil de la guerre par la vente massive de blé et de boeuf. La paix retrouvée crée une nouvelle corne d'abondance au pays. Un vent nouveau souffle.

La tasse de thé Barbie, pas le style d'Eva Duarte. Le rythme de ses activités est effréné et exténuant: tournée triomphale en Europe, droit de vote aux femmes, relèvement des salaires, train de mesures sociales et d'oeuvres caritatives. Construction d'innombrables hôpitaux, écoles, foyers pour enfants, étudiants, jeunes filles et vieillards déshérités dans un décor aussi somptueux que les robes d'Evita.

Elle se dévoue jour et nuit, cette fée abeille des pauvres. Véritable course contre le temps, le rôle ultime de sa carrière. Rien ne l'arrête, dardant la méfiante armée, la hargneuse oligarchie, la hautaine hiérarchie, ignorant même les foisonnantes métastases en son ventre. La foule délirante l'acclame sous son balcon comme une reine soleil.

Elle signe «La Razón de mi vida», une émouvante proclamation d'amour. Épuisée, elle meurt le 26 juillet 1952 à la suite d'une longue agonie. Elle a 33 ans. Des funérailles grandioses bouleversent les foules. Comme les pharaons, sa vibrante momie est trimballée, tachée, violée. Evita repose aujourd'hui en paix au cimetière de la Recoleta. Pour combien de temps encore? Qu'importe, elle est maintenant légende éternelle.

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