Sacha Jafri
SACHA JAFRI - Le VIP (very important painter) du moment veut réconcilier le public avec l'art contemporain. Contrairement à la plupart des jeunes artistes britanniques, qui abusent des installations encombrantes, Jafri est un inconditionnel de la bonne vieille peinture sur toile.
A 27 ans, Sacha Jafri est un phénomène. Ses grandes toiles à l'huile - mélanges oniriques de couleurs, de mouvement et de narration - peuvent dépasser les 60 000 livres [90 000 euros].
Frode's Island
One after another
Ses expositions privées ont les faveurs de Stella McCartney, Kate Moss et Jeremy Irons. De toute évidence, ce garçon a du talent et connaît les gens qu'il faut. Tout en reconnaissant le rôle qu'a joué la génération dorée des young British artists [un terme consacré] pour la notoriété de l'art britannique contemporain, Jafri s'est donné pour mission de ramener la peinture sous les feux de la rampe. Ses congénères artistes réalisent avant tout des installations spectaculaires ; lui ne jure que par le tube de peinture et la toile encadrée. "Il faut arrêter d'être obsédé par la nouveauté et le désir de choquer, et se concentrer sur les qualités transcendantes de l'art. J'aimerais que mes peintures élèvent les sens et séduisent l'esprit", affirme-t-il.
The chess game
Jafri se voit comme le pionnier d'un genre nouveau qu'il appelle le "réalisme magique", un terme emprunté à la littérature sud-américaine. L'essence de ses peintures consiste, selon lui, à "représenter une scène dans un environnement réaliste, mais avec une touche magique, inspirée du monde des rêves". Il dit de ses toiles qu'elles sont des miroirs dans lesquels les gens sont libres de se projeter. Si ses clients veulent en savoir plus, il les invite à boire un verre de vin dans son atelier. Jafri tient beaucoup à cultiver ce genre de relations et va jusqu'à livrer ses peintures lui-même.
Emma's garden
Avec sa compagne, Olivia Hill, un mannequin qui a étudié l'histoire de l'art, Jafri a ouvert une galerie dans une rue branchée du sud de Londres pour exposer ses oeuvres ainsi que celles d'autres jeunes peintres prometteurs. Il y prépare d'ailleurs l'événement de la rentrée : à partir du 23 septembre et pendant trois mois, sa galerie exposera une série de rares originaux d'Andy Warhol en même temps que ses oeuvres*. Une confrontation osée qui ne semble pas l'inquiéter, au contraire : sa personne respire l'enthousiasme et l'audace. Mais la rigueur de sa pensée transperce sous ses manières avenantes et son allure d'adolescent, qui lui a permis de faire le mannequin pour Diesel et Gucci afin de payer ses études. Sacha Jafri est avant tout un éternel optimiste. "Mon désir de voir le bon côté des choses frise l'obsession. La plupart de mes peintures portent la marque d'un conflit entre application et exaltation."
The Gallery
Il est généralement facile de déceler les influences subies par les jeunes artistes. Chez Jafri, on devine notamment l'ombre de Jackson Pollock et celle de Francis Bacon, mais on retrouve aussi un traitement de l'espace à la De Chirico et un sens des couleurs et de l'énergie inspiré de Van Gogh et de Kandinsky. Sans oublier l'écrivain William Burroughs, un des représentants de la beat generation, ajoute l'intéressé. Avant de commencer à peindre, Jafri s'assied devant sa toile et déplace des objets en pensée. "Je peux attendre huit heures avant de commencer, et ensuite le moindre trait ou mouvement sera exactement comme je le veux. Pour peindre, il n'y a pas de règle, je peux me servir d'un bâton, d'un pinceau ou de ma main."
America
Jafri est né à Londres, d'une mère française et d'un père indien. C'est sa mère, une infirmière devenue psychothérapeute, qui l'a le plus encouragé à ses débuts. "Etant dyslexique, j'avais du mal à communiquer, mais ma mère m'a aidé à transformer ma frustration en créativité. Le dessin et la peinture ont été une libération." Jafri a obtenu une bourse pour Eton et a ensuite étudié à Oxford. Depuis, ses expositions en Europe, à Dubaï et au Japon ont été des succès commerciaux, et il a été invité à participer à la réalisation d'une oeuvre collective au musée Guggenheim de New York.
Living beneath myself
*"Warhol Meets Jafri (Warhol rencontre Jafri), Bermondsey Street Gallery, Londres SE1 (00 44 20 7407 8522)
Source : Article paru dans le Courrier International N° 715 du 15 au 21 juillet 2004.
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