24.2.11

Pose de la 1ère pierre Lycée Technique Bamako (MLI/019)

Lycée technique : PLUS GRAND, MIEUX EQUIPE

Le Lycée technique de Bamako disposera bientôt de nouveaux ateliers de formation dans trois filières : la mécanique, la maçonnerie et la menuiserie.

La première pierre des locaux appelés à abriter ces ateliers a été posée vendredi. La cérémonie qui s’est déroulée dans l’enceinte de l’établissement, était présidée par Salikou Sanogo, le ministre de l’Education, de l’Alphabétisation et des Langues nationales. C’était en présence du directeur général du Lycée technique, Mahamadou Keïta, du coordinateur général du programme de coopération bilatérale Mali-Luxembourg zone sud, Michel Cadalen, des enseignants et élèves de l’établissement. La construction et l’équipement des ateliers coûteront plus de 200 millions de Fcfa. Le financement est assuré par le Grand Duché du Luxembourg et les travaux dureront 6 mois. Ces salles d’apprentissage permettront de porter la capacité d’accueil de l’établissement de 1207 à 2041 places. Le nouveau complexe qui se dressera en face de la cantine du lycée, va abriter les trois ateliers consacrés au génie civil, au génie mécanique et aux sciences économiques et de gestion. Les travaux qui débutent ne concernent que le rez-de-chaussée affecté à l’atelier de génie civil composé des sections construction métallique, maçonnerie et menuiserie et de deux salles. Le directeur général du Lycée technique qui donné ces précisions, a souhaité la construction des deux niveaux restant et leur équipement (ateliers de génie mécanique et de sciences économiques et de gestion) par l’Etat. Mahamadou Keïta a confirmé que dans le cadre de la célébration du Cinquantenaire, le Grand Duché du Luxembourg a finançait la réhabilitation du lycée et de ses annexes. Cette rénovation va accroître la capacité d’accueil de l’établissement qui sera portée à 2041 élèves contre 1207 jusqu’ici. Le coordinateur général du programme de coopération bilatérale Mali- Luxembourg zone Sud, Michel Cadalen, a rappelé que depuis 1998, le Grand Duché met à la disposition du Mali, des moyens innovants dans le cadre de la formation professionnelle. Le ministre de l’Education, de l’Alphabétisation et des Langues nationales a, lui, confirmé l’option fondamentale du département de rendre l’enseignement plus pratique et de recentrer la formation des lycées techniques sur les travaux d’ateliers afin de permettre aux élèves de maîtriser des savoir-faire techniques et professionnels et de les préparer ainsi à affronter le marché de l’emploi. Salikou Sanogo a invité les responsables de l’établissement, les enseignants et élèves à relever le défi d’une formation de qualité. La démarche qui a prévalu à la création du Lycée technique de Bamako était de préparer les élèves au baccalauréat de enseignement technique pour leur entrée à l’École nationale d’ingénieurs.


© Cathy Schmartz

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19.8.10

Caisses d'épargne et de crédit de l'espace UEMOA : Une psychose d'épidémie de faillite s'installe

Du 13 au 15 juillet dernier, les professionnels du secteur de la micro finance africaine se réunissaient en conclave à Bamako, à l'hôtel nord sud. L'un des objectifs essentiels de cette rencontre était de relever les défis auxquels le secteur est confronté, dont essentiellement la fin annoncée de l'âge d'or marquée par une sorte de psychose d'épidémie de faillite des caisses d'épargne et de crédit dans presque tous les pays de la sous région. Reste à voir maintenant si  le remède efficace a été trouvé au moment où les déposants dépouillés de leurs économies n'ont plus que leurs yeux pour pleurer.

Au Mali, l'on n'a pas fini de parler de l'affaire Jéméni, cette structure de micro finance en cessation de paiement depuis 2008. Les organes délibérants dissous, une mise sous administration provisoire a été décidée depuis juillet 2009.

Récemment, les déposants, surexcités, ont bruyamment réclamé le paiement  pur et simple de leur argent. Il a fallu beaucoup de tact à l'administrateur provisoire pour faire revenir à la raison les déposants, obligés de s'armer de patience et de confiance en lui pour espérer rentrer dans leurs droits. L'Indépendant en avait d'ailleurs fait écho, dans ses colonnes.

Comment une institution comme Jéméni, qui comptait 60 000 sociétaires a-t-elle pu se retrouver dans cette situation, surtout après avoir construit un siège flambant neuf qui a coûté une fortune dans le quartier huppé de l'ACI 2000?
A côté de Jéméni, une autre institution de micro finance malienne se fait tristement remarquer ces derniers temps. Il s'agit de la Caisse d'épargne et de crédit Kolon Kafosso, située au marché Dabanani, tout juste en face de la place OMVS. Les responsables ont déserté les locaux, laissant sur place une secrétaire chargée de contenir les états d'âme et descentes musclées des déposants qui ont été carottés par les responsables de ladite caisse. Un groupe de déposants, ne sachant plus où donner de la tête, a saisi le ministre de l'Economie et des finances et le Médiateur de la République, après des plaintes en justice restées sans suite. Nous y reviendrons.
Depuis quelques jours, c'est le Centre d'appui nutritionnel économique aux femmes (CANEF) qui est sur la sellette car accusé par les déposants d'avoir détourné leurs fonds. On parle de près de 700 millions de nos francs. Le directeur de l'institution préférant s'évaporer dans la nature, pendant que les femmes, clientes malheureuses de la caisse, réclament urbi et orbi leur argent. Au Sénégal, c'est presque la déconfiture du système à cause des multiples cas de faillite de caisses d'épargne et de crédit. Les dirigeants de plusieurs structures de micro finance ont même pris la poudre d'escampette pour échapper à la justice.
Au Togo, l'Etat a mis sous administration provisoire " Investir dans l'humain " (IDH) une importante institution de micro finance appartenant à l'ancien Premier ministre Kwatsi Klutsé sous feu Gnassingbé Eyadéma. Ceci, après dissolution des organes délibérants. Une mesure de sauvegarde en attendant un audit global pour mesurer l'ampleur des difficultés que traverse l'IDH.
L'encours de crédit accordé se chiffrait, au 31 décembre 2009, à 6,7 milliards FCFA. Enorme !
Mais ces quelques exemples ne sont presque rien en considérant le cas du Bénin, où de petits organismes de placement sont tombés en faillite, engloutissant ainsi plus d'une centaine de milliards FCFA des populations. Les dirigeants inspirés certainement par le tristement célèbre Madoff des Etats Unis, promettaient une fructification exceptionnelle des dépôts, avec des taux d'intérêts pouvant aller jusqu'à 200%.
Les premiers clients ont été bien traités, question d'en attirer d'autres, des milliers, pour mieux les escroquer. Les initiateurs de cette arnaque ont décroché leur enseigne en plein jour pour se fondre dans la nature. Pendant que les victimes pleurent, les escrocs se la coulent douce dans leurs villas cossues, se déplaçant en grosses cylindrées aux vitres blindées, avec tout l'arsenal du parfait nouveau riche. La justice béninoise n'a pu récupérer que moins de 10 milliards FCFA en biens saisis sur les responsables de cette grosse arnaque. 10 milliards FCFA sur plus de 100 milliards FCFA, c'est vraiment insignifiant.
Le cas du Bénin est certes l'exemple le plus frappant en ce qui concerne la crise qui s'empare progressivement du secteur de la micro finance en Afrique de l'ouest. On en a tellement parlé qu'on semble oublier les cas de tous les autres pays de l'Afrique de l'ouest où les nombreuses faillites déclarées au niveau des caisses d'épargne et de crédit viennent ainsi jeter un pavé dans la mare d'opulence et de fiabilité des institutions de micro crédit, à tel point que l'on se demande si c'est vraiment la fin de l'âge d'or de la micro finance vantée comme alternative sérieuse contre la pauvreté ?
En effet, une part importante des institutions de micro crédit ont soit mis la clé sous le paillasson soit en train de barboter dans des difficultés de trésorerie, ne laissant aux déposants que leur langue pour crier haut et fort leur désarroi ou, pour les moins loquaces, leurs yeux pour pleurer.
Pourtant la BCEAO a tiré la sonnette d'alarme il y a quelques années, appelant l'ensemble des pays à prendre les dispositions nécessaires pour prévenir de tels errements, au vu du développement anarchique du secteur où trois tondus et deux pelés, pour peu qu'ils soient un peu malins, créent une caisse d'épargne et de crédit pour soit financer leurs propres opérations à travers l'argent des déposants sans aucun frais, soit dilapider purement et simplement les sommes confiées à la caisse pour disparaître dans la nature.
Les difficultés sont alors connues : mauvaise gestion et détournements. Si les gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités pour verrouiller le secteur de la micro finance, celui-ci permettra de sa superbe, alors que mis à part les brebis galeuses, il recèle un bon potentiel pour accompagner le développement des petites et moyennes entreprises. Raison pour laquelle, il faut un durcissement des conditions de création et de gestion des structures de micro crédit.


Article du 10/08/2010 de Amadou Baba Niang - Journal l'Indépendant

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15.7.10

L'Afrique dans le texte

LES MANUSCRITS DE TOMBOUCTOU


Le dogme d'une tradition orale en Afrique a vécu. 300 000 manuscrits des XV e et XVI siècles ont été exhumés depuis dix ans dans la cité malienne. Un trésor qui peine à être sauvé et valorisé.


Voilà près d'un millénaire qu'elle nargue l'humanité, tantôt de son commerce « prolifique » de sel et d'or, tantôt de son patrimoine intellectuel et architectural «flamboyant ». Aujourd'hui encore, tandis que les puissances étrangères, et en premier lieu la France, conseillent à leurs ressortissants de la boycotter pour cause d'« insécurité », Tombouctou s'étonne qu'on ignore son destin. Mais, depuis la nuit des temps, convoitée qu'elle est par les Marocains, les Européens, les Touaregs, les Peuls ou les Songhaïs, la cité la plus énigmatique du Sahel a toujours été et restera la terre sismique des frictions tribales, l'épicentre fantasmatique des rivalités raciales du continent noir. En réalité, il existe deux Tombouctou. Celle dénommée la « cité des 333 saints » par le grand voyageur tangérois Ibn Battuta, qui la visita en 1353 (et avant que le chrétien andalou converti Léon l'Africain ne vienne, un siècle et demi plus tard, dans sa Description de l'Afrique, en adouber le caractère « hautement spirituel »). Et puis Tombouctou la « mystérieuse », telle que l'a qualifiée, faute de mieux, semble-t-il, le journaliste Félix Dubois, sur la couverture du livre qu'il publie après son long séjour en 1896.

OMOPLATES DE CHAMEAU
D'ailleurs, les quelques jeunes guides tombouctiens qui aujourd'hui piétinent aux premières heures de la journée devant la mosquée de Sankoré usent à l'avenant de ces deux qualificatifs pour embrasser le mythe et exciter le touriste. Car atteindre cette cité malienne de quelque 30 000 âmes située sur la crête du Niger, à un millier de kilomètres au nord-est de Bamako, est une épopée qui relève toujours d'une curiosité de pèlerin ou d'explorateur. A l'instar du major anglais Laing en 1826, du Français René Caillié deux ans plus tard (le premier à en revenir vivant) ou de l'anthropologue allemand Heinrich Barth en 1853, nombreux sont ceux qui risquèrent leur vie ou la perdirent pour tenter de percer le mystère. Mais ce sont les sept mois de présence scientifique de cet Allemand qui furent déterminants. Non pour lever des secrets, mais pour soulever le couvercle du véritable trésor de la « mystérieuse », ses manuscrits. Des livres, reliés pour la plupart, qui, depuis le XVII siècle, jonchent les sols et les greniers des habitations de banco, aujourd'hui plus qu'hier ensevelies sous l'épais manteau de sable blanc qui dévore sournoisement la cité du désert. C'est Heinrich Barth aussi qui retrouva ici, dans les entrailles de la mosquée de Djinbareber alors décatie, le Tarikh es-Soudan d'Abderrahmane Saadi, ce Verbatim éclatant qui décrit, comme le ferait un entomologiste, la vie sociale des Africains du Sahel au xvii' siècle. Car l'histoire de Tombouctou (et d'uni- certaine manière de l'Afrique) traverse les quelque 300 000 manuscrits qui s'y trouvent. Des écrits engloutis mais exhumés dans des parchemins rongés par la sécheresse ou les inondations : dans des papiers d'Orient si fragiles qu'ils craquent à la moindre manipulation ; sur des omoplates de chameaux ou des peaux de mouton ravagées par l'agi. 1 . Tout y est note, commenté, référé sur une base calligraphique inspirée du magribi, sorte d'écriture arabe cursive qui, par sa forme, permettait d'économiser le papier : le cours du sel et des épiees ; les actes de justice des cadis, les ventes (esclaves, plumes d'autruche, bétail, soie et... manuscrits !), les précis de pharmacopée (dont un traité sur les méfaits du tabac), des conseils écrits sur les relations sexuelles des couples, des précis de grammaire ou de mathématiques. On apprend, au hasard d'une signature sur le colophon (dernière page d'un papyrus), qu'un copiste avait achevé son texte deux ans après un tremblement de terre à Tombouctou.

On peine à imaginer, en regardant ces cantines rouillées abandonnées dans des caves poussiéreuses, l'énormité de la production intellectuelle qui attend les historiens. Aussi curieux que cela puisse paraître, une grande majorité des manuscrits gît encore chez les habitants qui, parfois sans le savoir, les tiennent de leurs grands-parents ou arrière-grandsparents. « Les familles, constate Ousmane Halle, maire de Tombouctou, sont rétives à confier leurs manuscrits à des bibliothèques. Soit parce qu'elles en soupçonnent la valeur marchande, soient parce qu 'elles sont indifférentes à leur contenu. Mais les choses sont en train d'évoluer depuis que les héritiers des grandes familles tombouctiennes ont décidé de prendre les choses en main pour sauver ce trésor du désastre. »

TRADITION DES OULÉMAS
Depuis la mort de son père en 1981, Abdel Kader Haidara, fils du grand cheikh Marna I laidara, ressuscite sa bibliothèque, estimée à 5 000 ouvrages. « Nous possédons, à Tombouctou, des traités de médecine, d'astronomie, de mathématiques, de gouvernance, dont la portée scientifique n'a rien à envier à ce qui se publiait en Europe au xvf siècle. Je viens par exemple de découvrir, stupéfait, le manuscrit d'un astronome mathématicien de cette époque traitant de climatologie. Notre défi, c'est de sauver les manuscrits, puis, sereinement, de réécrire une histoire oubliée ou refoulée de l'Afrique. » Les Américains ne s'y sont pas trompés. Le professeur africaniste John Hunwick, mais surtout Chris Murphy, l'un des responsables de la Bibliothèque du Congrès, qui propose à Haidara, en 2002, d'exposer à Washington certains de ses manuscrits. Probablement pour contredire par anticipation un Nicolas Sarkozy qui, cinq ans plus tard, déclarera à Dakar que « le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n 'est pas assez entré dans l'histoire ». Les universitaires afro-américains sont impressionnés. Dans la foulée la Fondation Ford © octroie 160 000 dollars (130 000 euros) et permet à Haidara de financer les premières restaurations de ces précieux écrits. Il était temps - un trafic de manuscrits anciens s'est fait jour et les pilleurs rivalisent d'imagination pour revendre à des collectionneurs étrangers, via la Suisse, des pièces maîtresses de l'histoire de l'empire du Mali.

Car ici, au cœur de l'Afrique subsaharienne des XV et XVI siècles, les intellectuels sont pour un temps respectés, consultés et surtout protégés par l'empereur du Songhaï d'alors, Askia Mohammed. Ces oulémas (de l'arabe ulamà, « qui détient le savoir ») perpétuent une tradition qui remonte au règne de Kankan Moussa (1312-1337), quand celui-ci revint de La Mecque en 1324 accompagné de poètes et d'architectes. C'est le début d'une fascination pour l'érudition, l'art et surtout l'écriture. « II existe une trace écrite plus ancienne encore, raconte l'historienne Adame Ba Konaré. C'est celle du Serment du Mandé, retrouvé en 1965. On y découvre que les peuples de la région sont liés par une organisation sociale portant en elle d'authentiques valeurs démocratiques : le respect de l'étranger, de ses voisins, l'accès à la justice, une conception philosophique de la tolérance, des droits et des devoirs. Le Mali est l'héritier de ce savoir. Malheureusement, on ne le sait pas, donc on ne l'enseigne pas ! » On écrit donc, très tôt et beaucoup. A Djenné, à Gao, mais surtout à Tombouctou. C'est là que se partagent et se propagent les idées. Elles sont transmises en arabe oriental ou en soudanais mais aussi en ajami (transcription en arabe des langues africaines), le tout dans le culte d'un islam éclairé, ouvert et plutôt généreux. L'enseignement et le livre prospèrent et tous les métiers en profitent : copistes, libraires, répétiteurs, relieurs, traducteurs, enlumineurs...

Pendant plus de quatre siècles, le savoir est une valeur marchande aussi recherchée que l'or. On venait d'Egypte, d Andalousie, du Maroc ou de l'empire du Ghana pour suivre à l'université de Sankoré des cours de grammaire, de poésie, de mathématiques dans la grande tradition académique. En pleine gloire, la ville accueillait, au XV siècle, plus de 25 000 étudiants qui rémunéraient directement leurs enseignants en fonction de la cote qu'ils avaient sur le « marché ». On payait les copistes en gramme d'or et les manuscrits constituaient de véritables sésames pour accéder aux plus hautes fonctions administratives ou religieuses. Partout des bibliothèques ouvraient pour classer la masse impressionnante de textes. « II en existerait près d'un million dans tout le Mali, précise le docteur Mahmoud Zouber, premier directeur, en 1970, du Centre Ahmed Baba de Tombouctou. C'est dire la masse du patrimoine écrit qui subsiste au Mali, mais aussi en Mauritanie et au Niger. »

« POSTURE IDENTITAIRE »
Cet historien, désormais conseiller auprès du président du Mali, ne tarit pas d'éloges sur l'érudition de ses ancêtres. « Jusqu'à la colonisation, les lettrés étaient encore nombreux à Tombouctou. On les consultait comme des sages. Mais dès le début du xx" siècle, à cause des conflits militaires, des razzias, de la sécheresse, les populations ont fui et les familles se sont dispersées. On parle désormais le français et le bambara, et l'oralité devient une posture identitaire panafricaine. » « Quand j'ai ouvert ce centre [devenu l'lnstitut des hautes études et de la recherche islamique Ahmed Baba] à Tombouctou, poursuit M. Zouber, avec l'aide de l'Unesco et de l'Etat malien, nous avons dû “ramer” pour conserver cette mémoire écrite. Personne n'y croyait. Les choses sont en train de changer, car de nouvelles bibliothèques privées familiales ouvrent. lien existe aujourd'hui près de vingt-cinq dans la région. Mais c'est lent. » Pour l'heure, ce n'est, en effet, pas la priorité de la grande majorité des Maliens, qui a d'autres chats à fouetter et ne lit pas l'arabe. Surtout, les jeunes (la moitié de la population) pâtissent d'un système éducatif affligeant qui les détourne des savoirs anciens et des outils critiques. « La question de la transmission est le problème numéro un », confirme Ali Ould Sidi, chef de la mission culturelle de Tombouctou, qui pourtant fait des efforts pour conduire des classes dans les bibliothèques restaurées de Tombouctou. Samuel Sidibé, directeur du Musée national du Mali, a organisé, au printemps 2009, à Bamako, une exposition de sensibilisation aux manuscrits de Tombouctou. Il en conclut que « malgré la splendeur calligraphique de ces documents et leur richesse historique, il faudrait en amont un vrai travail de préparation scolaire et universitaire ». Il existe, certes, un département de littérature arabe à l'université de Bamako, mais les étudiants ne manifestent aucune ambition de s'emparer de ce trésor national pour le valoriser.



Résultat, ce sont les autorités saoudiennes, sud-africaines, norvégiennes, libyennes et surtout luxembourgeoises qui, de leurs mannes conséquentes mais en ordre dispersé, entreprennent de sauvegarder, restaurer, cataloguer, exploiter ou numériser ces textes avant qu'ils ne disparaissent. Le premier ministre du Grand-Duché, Jean-Claude Juncker, qui visitait Tombouctou en 2006, fut convaincu de l'intérêt de les préserver. « Un crédit de 4 millions d'euros a été immédiatement ouvert, affirme Karim Kahlal, l'actif animateur du programme de Lux-Development. Et pendant cinq ans, nous sommes sur le terrain pour réaliser ce projet de développement culturel avec les Maliens. »


PATRIMOINE CULTUREL
La France est peu concernée, hormis la région Rhône-Alpes qui, depuis sept ans, finance la sauvegarde des manuscrits. Bien lui en a pris, elle a entraîné le directeur de l'Ecole normale supérieure de Lyon, Olivier Faron, qui, fort de la contribution de son chercheur arabisant - le professeur Georges Bohas -, vient de signer avec le directeur de la bibliothèque Mama-Haidara un protocole garantissant un travail de recherche conséquent lié à la formation déjeunes docteurs à la traduction et à l'édition. «Seulement 1 % des textes sont traduits et à peine 10% catalogués », constate, effaré, Georges Bohas, inspirateur du programme Vecmas (Valorisation et édition critique des manuscrits subsahariens). C'est ainsi qu'après la tenue, en 2005, de l'Université ouverte des cinq continents à Tombouctou, il remarque, par hasard, l'existence de textes littéraires qui l'intriguent. « A la différence de l'Europe, où retrouver un manuscrit littéraire du Moyen Age est une chose rare, c'est encore possible en Afrique. J'ai ainsi retrouvé un texte, intitulé Fath-as-Samad ["conquête de l'éternité"! Qui dévoile une authentique littérature africaine en langue arabe. Mais aussi un manuscrit, le Manh, qui promet d'être aussi décisif çue /es Tarikh es- Soudan et el-Fettach pour comprendre définitivement l'histoire du XIX siècle subsaharien. » Les collections de manuscrits de Tombouctou, en particulier celles de Marna Haidara, de la famille Al-Wangari ou du fonds Kati, font des émules. A Ségou, alors que la grande famille Haguib Sosso s'apprêtait à se séparer de milliers de manuscrits qui dormaient dans des cantines au fond d'une cave, les fils Baba et Sidi s'en sont ouverts à Abdel Kader Haidara et à son ONG Savama (Sauvegarde et valorisation des manuscrits). Avec le soutien de l'Espace d'art contemporain Bajidala, ils prévoient d'exposer à l'automne ce trésor datant du xiv' siècle. Au palais présidentiel de Bamako, on commence à saisir l'intérêt politique de ces découvertes. Le président Amani Toumani Touré le dit : « J'ai une priorité dans le nord du pays, c'est d'en finir avec les conflits et les non-droits qui minent cette région frontalière avec l'Algérie et la Mauritanie. Mais c'est aussi et surtout de permettre aux habitants de vivre d'une économie touristique fondée sur une exploitation intelligente de ce patrimoine culturel. Cela créera de l'emploi à Tombouctou et favorisera aussi la paix dans la région. C'est tout le pays qui en récoltera les fruits. » Qu'Allah l'entende. Et que la mémoire d'un Mali encore inconnu mais déjà fantasmé vienne redonner du baume au cœur des nouvelles générations d'étudiants africains pressés de « rentrer dans l'histoire ». cj aussi la paix dans la région. C'est tout le pays qui en récoltera les fruits. » Qu'Allah l'entende. Et que la mémoire d'un Mali encore inconnu mais déjà fantasmé vienne redonner du baume au cœur des nouvelles générations d'étudiants africains pressés de « rentrer dans l'histoire ». cj

L'AFRIQUE DANS LE TEXTE
LE MONDE MAGAZINE du 10.07.2010   /  JEAN-MICHEL DJIAN 


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4.5.10

ATT montre l'exemple


En renonçant à modifier la Constitution pour pouvoir briguer la présidence une troisième fois, Amadou Toumani Touré a surpris agréablement son monde. Ses pairs africains seraient bien venus de s’en inspirer.
Le chef de l'État malien à Bamako, en avril 2007.© DAVID LEWIS/REUTERS
Le slogan était déjà prêt : « Troisième pont, troisième mandat » – allusion au projet de construction d’un nouveau pont sur le fleuve Niger pour désengorger la ville de Bamako. Et les troupes commençaient à se mettre en ordre de bataille. Certains avançaient masqués, comme ce conseiller à la présidence qui signait des tribunes dans la presse malienne en se faisant passer pour un juriste de Montpellier, en France. D’autres, plus courageux, soutenaient ouvertement leur champion, comme le député Hamadaou Sylla. Mais de plus en plus de militants se croyaient en mesure de convaincre le président Amadou Toumani Touré (ATT) qu’il fallait modifier la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat en 2012. Confidence d’un proche d’ATT à un membre d’une délégation étrangère : « Nous, on veut rester. Il faut nous aider, hein ? »
Le 19 avril, patatras ! Ce jour-là, à Bamako, ATT reçoit les juristes d’une commission qu’il a créée deux ans plus tôt pour lui faire des propositions de réforme constitutionnelle. Pas un mot sur le nombre de mandats présidentiels. Sous-entendu : ils sont limités à deux, et on n’y touche pas. Aussitôt, la presse malienne titre : « Troisième mandat, c’est fini pour ATT » (Info Matin). Les opposants, eux, restent vigilants. Mais ils sont confiants. « Les courtisans zélés, c’est la grande plaie en Afrique. J’espère que mon frère, le président ATT, se hissera au-dessus de ces contingences pour être à la hauteur de l’Histoire » (Ibrahim Boubacar Keita). « Nous allons à contre-courant du mouvement de restauration des pouvoirs autoritaires en Afrique. Les Maliens vivent cela avec un petit brin de fierté » (Tiebile Dramé).
Pourquoi ATT renonce-t-il à un troisième mandat ? D’abord, parce qu’il ne s’est jamais déclaré ouvertement en faveur d’une telle réforme. Habilement, il a laissé dire sans s’engager. Ensuite, parce que, ces derniers mois, il a sans doute hésité entre la tentation d’y aller et le risque d’y laisser sa réputation. Comme le dit l’un de ses anciens ministres, « le président a bâti son autorité sur sa crédibilité à l’étranger… Difficile de la ruiner d’un seul coup ».
ATT prisonnier de son image ? Pas seulement. ATT fidèle à lui-même et à cette année 1992 où il a quitté volontairement le pouvoir une première fois. ATT fidèle aussi à Alpha Oumar Konaré. En 2002, au terme de deux mandats, l’ex-président est parti. En 2012, ATT ne pourrait pas rester sans trahir son illustre prédécesseur. Enfin, le 18 février, un événement a fini par faire reculer les derniers fanatiques du troisième mandat. C’est le coup d’État contre Mamadou Tandja. Dans son entêtement à rester au pouvoir, le chef de l’État nigérien a coalisé contre lui la rue et l’armée. Alliance fatale à Niamey… De quoi faire réfléchir à Bamako.
On promet, puis on oublie
Apparemment, le vent de l’Histoire souffle en faveur des adeptes du troisième mandat. Depuis 2001, pas moins de neuf régimes africains ont supprimé la limite des deux mandats au maximum (voir ci-dessous). Dernière révision en date : à Djibouti, le 19 avril dernier, le jour même où ATT y a renoncé ! Et l’opposition djiboutienne de fustiger « la porte ouverte à une présidence à vie pour Ismaël Omar Guelleh ». Après l’ouverture démocratique des années 1990, les sortants reprennent la main. Après la grande marée sur La Baule, c’est le ressac ! Mieux, les présidents qui s’offrent un troisième mandat invoquent le droit des électeurs à choisir librement. « Nous allons réexaminer les dispositions de notre Constitution afin de répondre aux attentes de la grande majorité de notre population », déclarait Paul Biya, le président camerounais, en décembre 2007.
Pour autant, les champions du troisième mandat n’ont pas tous bonne conscience. Plusieurs chefs d’État promettent de ne pas succomber à la tentation… puis se ravisent. Le Togolais Gnassingbé Eyadéma, en 1999 : « À la fin de mon mandat, en 2003, j’irai me reposer au village. La Constitution, je la respecterai. Parole de soldat ! » Le Tchadien Idriss Déby Itno, en 2001 : « Je ne serai pas candidat en 2006. Je ne modifierai pas la Constitution. Je le dis haut et fort ! » On promet pour rassurer l’opinion qui redoute une présidence à vie. Puis on oublie sa promesse…
Au Burkina, on voit loin
Aujourd’hui, la scène burkinabè est un cas d’école. En 1997, Blaise Compaoré a fait sauter le verrou des deux mandats. Trois ans plus tard, à la suite de l’émoi suscité par l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, il l’a réintroduit. Aujourd’hui, ses partisans veulent s’en débarrasser à nouveau. « La limitation du mandat est antidémocratique. Cela va à l’encontre du droit du citoyen à désigner qui il veut », a lancé Roch Marc Christian Kaboré, le président de l’Assemblée. C’était le 6 février – douze jours avant le coup d’État au Niger.
Au Burkina, on voit loin. L’enjeu n’est pas la présidentielle de novembre prochain, mais la suivante, celle de 2015. Déjà, la société civile lance une campagne de signatures pour faire bloquer le projet. Le mois dernier, à l’initiative d’un collectif anti-troisième mandat, une photo de Barack Obama était placardée dans les rues de Ouagadougou à côté d’une citation de son discours d’Accra de juillet 2009 : « Alors, ne vous y trompez pas, l’Histoire est du côté de ces courageux Africains, et non dans le camp de ceux qui modifient les Constitutions pour rester au pouvoir. L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes. » L’affiche (1,50 x 1,50 m) était posée sur des panneaux publicitaires dûment payés. Au bout de quelques heures, elle a été arrachée, mais le débat ne fait que commencer.
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9 pays ont fait sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels depuis 2001 :
La Guinée en 2001, la Tunisie et le Togo en 2002, le Gabon en 2003, le Tchad et l'Ouganda en 2005, le Cameroun et l'Algérie en 2008 et Djibouti en 2010.
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Article paru le 03/05/2010 à 11h:23 Par Christophe Boisbouvier sur le site du magazine Jeune Afrique

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1.12.09

La véritable histoire de l'avion de la cocaïne

Notre correspondant à Bamako a enquêté sur l’avion transportant de la cocaïne qui s’est posé dans le nord du Mali. Il raconte la surprise des autorités locales et retrace le probable itinéraire vers les côtes européennes de la drogue débarquée en plein désert. Selon les experts de l'ONU, la coke, comme l'avion, provenaient du Venezuela.


Latifa Mouaoued/RFI

« Les Américains viennent d’atterrir clandestinement au nord du Mali pour traquer les islamistes armés ». « Un avion libyen vient de se poser dans le désert malien pour livrer des armes à l’armée malienne ». « Un avion en détresse s’est posé en catastrophe dans le nord du Mali ». « La Grande Bretagne a débuté une opération militaire contre les combattants islamistes, qui ont assassiné (il y a quelques mois), un ressortissant britannique ». Début novembre, on se perdait en conjectures au sujet d’un appareil volant qui aurait posé son ventre dans le sable du désert malien.

« C’est un dossier chaud, qui va faire des vagues, je ne dirai pas plus, attendez-vous, dans plusieurs jours, à un communiqué », prévient de son côté, un diplomate en poste à Bamako. C’est de Dakar, tout juste après la presse malienne, qu’un diplomate onusien donnera des détails : « L’avion viendrait du Venezuela, il aurait déchargé de la cocaïne et autres produits illicites dans le nord du Mali, et il se serait écrasé au décollage ». Cette dernière information, est comme on le verra plus loin, à prendre avec des pincettes. Pour reconstituer les faits, il faut remonter au 15, voire au 16 octobre 2009. Un PA32, petit coucou d’une dizaine de places, ronronne dans le ciel du désert. La tour de contrôle de Gao repère rapidement l’appareil. Il se dit en « détresse », et « se débrouille » pour atterrir sur une piste de fortune. L’avion était, en fait, en repérage.

Début novembre, cinq véhicules 4X4 s’enfoncent dans le désert malien. Nous sommes à plus de 200 kilomètres au nord de Gao. Une route solide sur laquelle on peut faire un bout de rallye a été sommairement aménagée. Des cailloux bordent cette « piste » de moins de 1 500 mètres. L’ingénieur en chef de l’ouvrage est connu. Il revient à peine d’un voyage en Mauritanie. « Demandez-lui de vous trouver une centaine de crocodiles dans le désert où il n’y a pas d’eau, il le fera », explique un fin connaisseur du nord du Mali.

Le soleil éclaire paresseusement la zone. Un avion, sans pavillon déterminé, d’un blanc sale descend dangereusement, comme s’il allait s’écraser, au milieu de nulle part. Mais en réalité, il se pose sur « la piste ». Jeu d’enfant. Là, les versions divergent. En deux heures selon une source, des colis sont transbordés dans les véhicules 4X4 pré-positionnés. A la fin de l’opération, le feu est mis à l’appareil. Deuxième version : au départ, la stratégie aurait été de larguer d’abord « la marchandise » et d’atterrir ensuite. Si cette option n’a pas fonctionné, c’est que l’appareil n’aurait pas eu assez de fuel pour « faire son numéro » dans le ciel malien.

Par ailleurs, des documents rédigés par une source indépendante affirment que le terminus de l’avion était bel et bien le Mali. N’aurait-il pas alors déchargé tout ou partie de sa précieuse marchandise dans un autre pays avant l’ultime étape du Mali ? En tout cas, la même source signale que des bidons d’essence auraient été découverts à proximité de l’avion calciné. Le document relève aussi que les véhicules signalés sur place auraient été immatriculés au Niger. Ils auraient été chargés de la marchandise en toute quiétude, car la piste d’atterrissage de fortune est située entre deux dunes de sable. C’est aussi en toute quiétude que les pilotes de l’appareil seraient repartis de l’aéroport d’un pays de la sous-région.

L’alerte

C’est un jeune commerçant arabe qui appelle au secours de son appareil Turaya (téléphone satellite qui pullule dans le désert, comme ailleurs les téléphones portables). Un petit groupe d’habitants accoure, stupéfait. Gao, le chef lieu de la région administrative du même nom est informé. Les premiers officiels maliens qui débarquent sur les lieux, sont des éléments des services de renseignements maliens, la fameuse Sécurité d’Etat, dirigée par Mamy Coulibaly, un colonel plutôt rigoureux.

Le corps de l’appareil est toujours chaud. Il sent le brûlé. La Sécurité d’Etat relève des références de l’avion. Un gros carnet à moitié brûlé aurait également été retrouvé sur place. Ces documents distribués à des chancelleries ici à Bamako parlent : l’avion est immatriculé en Amérique du sud. Mais un pays africain, important pétrolier, pourrait avoir été le premier propriétaire de l’appareil, avant de le vendre ou de le céder à un tiers.

En tout cas, c’est le branle-bas. Le gouvernement malien ne dit mot de l’affaire. « C’est la grande gêne », estiment certains. « Chez nous au Mali, ceux qui savent, ne parlent pas comme ça », rétorque un officiel. « Il ne faut pas trop parler, sinon la parole elle-même pleure », ajoute un autre officiel. En fait, on le sait maintenant, dès l’éclatement de l’affaire, le Président malien Amadou Toumani Touré, a annulé une visite privée qu’il devait rendre à un ami malade à Bamako pour s’entretenir avec deux de ses collaborateurs.

- « C’est quoi cette affaire ? », lance-t-il, plutôt martial, glacial.
- « Ce n’est pas clair. On parle de drogue, d’armes », répond l’un deux
- « Voilà ! Vous autorisez tous le pays amis, surtout ceux qui ont les moyens d’aller sur place. Il n’y a rien à cacher. L’enquête doit être impartiale, je veux savoir ce qui s’est passé. Tous les tenants et les aboutissants doivent être connus ! », prévient le chef de l’Etat malien, vêtu d’un complet beige, ses toutes nouvelles lunettes de vue en main.

Quelques jours après, il reçoit les premiers éléments. En fait, un résumé de tous les éléments fournis par diplomates, services de sécurité, experts maliens et étrangers. Ainsi, on apprend que l’appareil est un Boeing 727. Le terminus de ce triréacteur était le désert malien. Exit donc l’information de départ selon laquelle l’appareil s’est crashé en voulant repartir, une fois son ventre vidé. « C’est simple ! Vous achetez une bouteille de Coca Cola. Quand vous buvez le liquide, vous jetez la bouteille », explique un connaisseur. Puis d’autres renchérissent en expliquant qu’il s’agissait d’un avion « cimetière », d’un « avion jetable », tel un objet dont on se débarrasse après usage. Et, c’est en guise de funérailles, qu’il a été brûlé. Par ailleurs un expert en aéronautique explique que, techniquement, l’avion ne pouvait pas redécoller, puisqu’il n’avait plus de kérosène.

Plus de deux semaines après les faits, on ne connaît toujours pas avec précision les auteurs et complices de cette curieuse affaire. Les dénonciations se poursuivent à la vitesse des pales d’un ventilateur. « Au nord, vous avez les communautés qui se rejettent la responsabilité. C’est compréhensible. Elles ont des comptes à régler entre elles », avance prudemment une source indépendante, qui reconnaît cependant, qu’il est « impensable » que des personnes basées dans cette partie du Mali ne soient pas impliquées.

Recyclage de la carlingue

Trois personnes qui ont été surprises en train de découper l’épave de l’avion sont sur le point d’être relâchées. Il s’agit, en réalité, de forgerons qui récupéraient de la ferraille. L’un d’eux s’est même blessé en s’acharnant sur l’appareil. Deux autres personnes, des ressortissants du nord du Mali, et plutôt fortunés, sont sous SPD (dans le jargon sécuritaire local, entendez Surveillance Policière Discrète).

Pour faire avancer l’enquête, l’aide des Etats-Unis sera précieuse. Les faits ont coïncidé avec l’arrivée dans la région de Gao, d’instructeurs américains chargés de former les soldats maliens dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. « Ils (américains) sont venus comme d’habitude avec leurs appareils sophistiqués, et ils sont en rapport avec leur base. Je crois que depuis quatre jours, ils ont de nouveaux éléments précis sur l’affaire », ose une source malienne. Les Américains, les Européens, mais aussi les Libyens, sont sur les dents. Tripoli a dépêché une équipe de sept personnes, dont un pilote de chasse sur les lieux de l’épave. L’enjeu est connu : la drogue qui passe par le désert commun à plusieurs pays, est une bombe qui peut détruire toute la région.

« Ce n’est pas la première fois que la marchandise emprunte ce chemin. C’est plutôt le moyen de transport, qui surprend », analyse Taofik Touré, sociologue malien, et originaire du nord. « Je ne partage pas du tout ce point de vue. Ce qu’il faut dire, c’est que c’est la première fois qu’une affaire de ce type, éclate dans le désert ». « Mais ça n’a pas commencé aujourd’hui, seulement cette fois-ci, l’affaire a éclaté, c’est tout », rétorque une source sécuritaire, originaire d’un pays voisin du Mali, qui insiste sur la bonne collaboration qui existe entre les services de sécurité du Mali et ceux de pays voisins. Profitant de cette distribution de bonnes notes entre services, un agent rajoute de manière catégorique : « Ces derniers mois, il y a eu au moins quatre atterrissages clandestins d’avion dans le désert commun à plusieurs pays de la zone ».

La route vers l’Europe

Traditionnellement, dans la région la drogue emprunte des chemins complexes. La marijuana, en provenance des pays maghrébins, remonte la bande sahélienne pour éviter la route directe vers l'Europe.  La pause dans le septentrion malien est obligatoire. Des seigneurs locaux prélèvent des taxes sur les chargements destinés à l’Europe. On raconte même que l’un d’eux, très connu a été copieusement rossé il y a environ un mois par des trafiquants. Il n’a eu la vie sauve que parce qu’il a fait le mort. Les droits de passage s’élèveraient, selon la qualité et la quantité de la drogue jusqu’à 100 millions de francs CFA. La cocaïne emprunte, en partie, le même chemin.

Après l’étape malienne, les véhicules lourdement chargés, s’enfoncent dans le désert nigérien. Très peu de personnes rencontrées. Les complicités locales font le reste, en guidant comme un radar, les trafiquants. Ils passent comme une lettre à la poste. Chaque convoi, généralement composé de dix véhicules bourrés de drogue, pénètre soit au Tchad, soit plus généralement sur le territoire libyen. La traversée par le pays du colonel Kadhafi est à la fois facile et difficile. Pour les plus chanceux tout peut bien se passer,  sinon c’est la catastrophe. Les services libyens ont un traitement expéditif lorsqu’ils découvrent l’affaire : ils détruisent à l’arme lourde, les véhicules, la drogue et les transporteurs. Bref, lorsque la marchandise franchit le cap du sud de la Libye elle se retrouve en Egypte, dernière étape avant la remontée vers l’Europe.

La cargaison de l’avion brûlé au nord du Mali empruntera, selon toute vraisemblance, cet itinéraire. Mais un doute plane sur son transfert. Selon nos dernières informations, les auteurs et complices du coup ne se seraient pas entendus pour une question de partage de butin. La marchandise serait alors et pour le moment bloquée quelque part entre le Mali et le Niger.


Article original de Serge Daniel sur le site www.rfi.fr

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12.8.09

Le nouveau Code de la famille, une grande avancée pour les femmes

Le nouveau Code de la famille du Mali adopté le 4 août améliore le droit des femmes dans ce pays. Son application nécessite toutefois un engagement constant des autorités publiques, loin d’être acquis sur le long terme.

Pour de nombreux Maliens, c'est une grande fierté, pour d’autres, au contraire, une vraie régression... Le nouveau Code de la famille, adopté dans la nuit du 3 au 4 août après douze années de consultations et de tergiversations, divise toujours ce pays. Parmi ses promoteurs, les associations de femmes, bien sûr, mais aussi l’Assemblée nationale qui a véritablement plébiscité le texte (117 députés ont voté pour, 5 contre et 4 seulement se sont abstenus).

Parmi ses contempteurs, beaucoup d’hommes de la rue et la plupart des membres du Haut Conseil Islamique comme Mohamed Kimbiri, directeur de la radio Dambé. « Nous sommes très déçus à cause d’au moins deux dispositions, regrette celui-ci. Que les enfants illégitimes, c'est à dire nés hors mariage, soient reconnus dans la succession, et que les filles reçoivent une part égale à celle des fils - et non plus la moitié comme auparavant –, cela contredit le droit musulman ».

Le droit des successions progresse

Une des innovations majeures du nouveau Code est en effet de légiférer sur les dévolutions successorales, auparavant réglées par la coutume ou la loi islamique. Mais le texte établit un droit d’option. Si une personne, par testament ou devant témoins, indique de son vivant quelle coutume doit régler sa succession, celle-ci s’appliquera.

Dès lors, pourquoi les associations islamistes sont-elles tant opposées au nouveau texte ? « Dans nos sociétés, on rechigne à parler de sa propre mort, explique Aïchata Haïdara Cissé, députée de Bourem (Indépendante de la mouvance présidentielle). Dans la majorité des cas, c’est donc le principe de l’égalité entre les hommes, les femmes ainsi que les enfants légitimes et naturels, qui devrait prévaloir. »

Mais les avancées de ce nouveau Code ne s’arrêtent pas là. L'égalité des sexes y est consacrée à de nombreuses reprises, même si la supériorité de l’homme est ménagée. Ainsi, le père reste toujours le « chef de famille », et garde à ce titre le choix de la résidence conjugale. Mais la notion de « puissance paternelle » disparaît au profit d’une « autorité parentale » partagée par les deux parents, avec pour unique finalité l'intérêt de l'enfant.

Le "devoir d'obéissance" supprimé

Le législateur généralise en outre la possibilité du divorce par consentement mutuel et supprime le « devoir d’obéissance » de la femme envers son mari. L’épouse peut ouvrir un commerce sans en demander l'autorisation à son conjoint, et même conférer la nationalité malienne à ce dernier, s’il est étranger, cette prérogative étant auparavant réservée aux hommes.

Soucieux de promouvoir l'égalité des femmes, le nouveau Code évite cependant l'écueil idéologique en prenant en compte la réalité sociale. Si le régime matrimonial de base est celui de la monogamie avec communauté de biens réduite aux acquets, il est déclaré révisable (c'est à dire transformable en polygamie), avec le consentement exprès de l'épouse, pour éviter la multiplication des divorces – et la précarisation des femmes qui en résulterait. «Dans un deuxième temps, quand leur situation économique sera moins fragile, nous pourrons revenir sur cette disposition», précise Lalla Meriem Keïta, directrice du cabinet du ministre de la Justice, Maharafa Traoré, qui a piloté la dernière ligne droite de la réforme.

Reste que, malgré toutes les innovations cruciales du Code, son application ne sera pas de tout repos. «Il faut désormais que le gouvernement fasse un gros travail d’explication à travers tout le pays car, sans un accompagnement efficace, beaucoup de lois n’ont qu'un impact très limité», prévient Koniba Sidibé, député du Parti de rénovation nationale (Parena, opposition).

Le combat des associations de la société civile, à l'origine du Code, devrait donc durer encore quelques années.

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6.7.09

Mali - Touche pas à mes cheveux

Dans un pays qui compte plus de 500 000 motocyclistes, le port du casque est obligatoire. Mais il n’est pas toujours compatible avec les canons de beauté en vigueur.

Aucune femme n’aime ruiner une belle coiffure, pas même les motocyclistes de Bamako. Au cours des dernières années, la capitale chaude et humide du Mali a été envahie par les deux-roues*. Deux raisons à cela : l’explosion des importations de motos chinoises à bas prix et l’état exécrable des transports publics. Les routes de Bamako sont des endroits traîtres et un chapelet de ronds-points, tous décorés d’un imposant monument à la gloire d’un ancien leader ou d’un événement du passé national, ajoutent à la confusion. La ville est séparée en deux par l’étendue béante du fleuve Niger et, à l’heure de pointe, la circulation se concentre sur deux ponts – mais des Chinois travaillent à la construction d’un troisième, qui devrait Slalomant entre les voitures poussiéreuses, les motocyclistes prêtent à peine attention aux règles du code de la route. Bien que la loi malienne exigeant le port du casque et l’immatriculation des motos soit
en vigueur depuis deux ans, il y a peu de chances que les autorités parviennent à l’appliquer. Les casques sont rares et les motos importées illégalement, sans plaque d’immatriculation, sont faciles à repérer dans les embouteillages de Bamako. Tout comme les automobilistes, les motocyclistes doivent être en possession d’un permis valide, mais les leçons et connaissances du code de la route sont plus difficiles à payer que le permis lui-même. Il suffit de savoir à qui
remettre votre enveloppe de francs CFA.
En octobre 2008, le gouvernement, inquiet du nombre croissant de décès liés à des accidents de moto – 296 en 2007 – a annoncé que les motocyclistes devaient, dans les six prochains mois, se procurer un casque n’en ont fait aucun cas, en particulier la fraction de plus en plus importante de femmes motocyclistes. Elles ont mis en cause le prix du casque (environ 5 000 CFA) [7,50 euros] et ont réclamé plus de temps pour se conformer aux nouvelles règles. En réalité, leurs préoccupations ne concernaient pas tant le coût du casque que la chaleur* et l’élégance de leur coiffure.
Les motocyclistes estiment que les casques ne sont pas conçus pour l’Afrique de l’Ouest. Avec des températures moyennes annuelles de plus de 30 °C à Bamako, on étouffe sous un casque. Et quel gâchis pour les cheveux qu’on a mis des heures à coiffer à la dernière mode. Confronté à la dissidence et au désintérêt, le gouvernement a accepté, en avril – six mois après la première annonce – de prolonger la période de grâce jusqu’à fin 2009.
La moto est devenue un symbole de statut social pour les jeunes Maliens. Malgré populaire est la Jakarta, un nom inspiré de la capitale indonésienne. Environ deux tiers des quelque 500 000 motos du Mali sont des Jakarta. Elles sont plus économiques que d’autres motos, mais moins robustes et plus sujettes aux accidents. Les prix varient en fonction de la propension du propriétaire à respecter les lois. Les motos vendues avec une immatriculation valide coûtent
375 000 CFA [571 euros] et celles vendues sans, 300 000 CFA [457 euros]. Comparées aux vélos, qui coûtent l’équivalent de 94 euros, les motos ne sont pas particulièrement bon marché. Mais les cinq années de croissance à 5 % ont permis aux Maliens de bénéficier de meilleurs salaires et ont donné aux jeunes une soif de mobilité. “La moto facilite la vie”, explique Souleymane Drabo, rédacteur en chef de L’Essor, un quotidien de Bamako. “C’est très pratique, plus pratique que dangereux”, ajoute-t-il.

Article de Bryony Parker -
du Courrier International n°974 du 2 au 8 juillet 2009.

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9.6.09

« San reste un projet mythique »


Dans le cadre du premier Programme indicatif de coopération, signé entre le Mali et le Grand-Duché en 2003, Lux-Development, agence luxembourgeoise pour la coopération au développement, a été mandatée par le gouvernement luxembourgeois pour la formulation et l'exécution du projet bilatéral pour l'aménagement de la plaine de San Ouest (projet MLI/004). Objectif: l'augmentation de la production agricole irriguée et des revenus des producteurs.

■ Vendredi 20 mars 2009: la plaine de San retient son souffle. Et pour cause: si le test fonctionne, à compter de ce jour, les cinq pompes qui puisent leur eau dans la rivière Bani et chargées d'irriguer les 2.000 hectares de parcelles aménagées de la plaine seront alimentées par l'Electricité du Mali.

Le test est probant: c'en est fini du gasoil. Trop cher. L'alimentation électrique de la station de pompage va désormais garantir une répartition égalitaire du débit dans le réseau d'adduction d'eau, entraînant un rendement plus égalitaire dans les parcelles ainsi qu'un meilleur respect du calendrier agricole.

Pour Lux-Development et l'Association des riziculteurs de la plaine de San Ouest (ARPASO), il
s'agit-là d'une belle victoire. Depuis 2004, année de lancement du projet bilatéral d'aménagement de la plaine, un long chemin a été parcouru. Avec une contribution luxembourgeoise de 6.300.000 euros, le projet a aménagé 829 hectares de plaine rizicole en maîtrise totale de l'eau, en a réhabilité 775 et amélioré le réseau de circulation des eaux. Ce budget a également permis, outre la consolidation des capacités des services techniques décentralisés du ministère de l'Agriculture malien, un appui au développement des capacités et de l'équipement du partenaire ARPASO. En découle le renforcement des capacités des producteurs, à travers des cours d'alphabétisation et de gestion.

Souveraineté alimentaire


L'ARPASO est l'interlocuteur direct des producteurs, qui lui versent la redevance pour l'eau, l'engrais et la cotisation annuelle de location (1.400 FCFA par hectare et par an, soit 2,13 euros). Un système de microcrédit leur facilite considérablement la tâche.


Alors que dans les années 1970, 40 hectares permettaient de cultiver 40 tonnes de riz «paddy» (non décortiqué) par an, l'exploitation d'une même surface avoisine une production de 240 tonnes! Mais si la ville de San se trouve aujourd'hui en autosuffisance alimentaire, on retiendra de cette abondance qu'elle lui permet d'exporter, fait rare en Afrique en matière de produits agricoles! Le président de l'ARPASO, le très respecté Allaye Daou, s'enthousiasme : «La donne a changé. Grâce à un travail en étroite collaboration avec Lux-development depuis 2004, nous sommes parvenus à combattre la faim à San».

Dans le cercle, on a donc atteint le premier Objectif du Millénaire pour le Développement, (réduire l'extrême pauvreté et la faim d'ici à 2015). Le nonagénaire ajoute avec fierté: «Et ce n'est pas tout! La production permet aujourd'hui également la prise en charge sanitaire et éducative des enfants».


Toutefois, pour Michel Cadalen, conseiller technique principal du projet, «il existe encore de
gros besoins au niveau du Cercle : beaucoup de producteurs n'ont pas de parcelle dans la plaine. Mais San reste un projet mythique.»

■ M.-A.R.

Article paru dans le journal "La Voix" du lundi 8 juin 2009

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14.4.08

La décharge de Doumanzana à Bamako

Chaque année, environ 250 000 m3 de déchets solides sont produits à Bamako et il faut s’en débarrasser. Une partie est brûlée, une autre partie est jetée illégalement dans le fleuve, quitte à refouler le problème aux villes situées en aval. Mais que faire avec le reste? Une partie arrive à Doumanzana.
250 000 m3 déchets solides par année

La décharge de Doumanzana se situe tout au Nord, au bord de la ville, à un endroit où les blancs s’aventurent rarement ; avec une étendue de 10 ha, c’est la plus grande décharge publique de Bamako. On trouve des ordures, constituées surtout de matière plastique, à n’importe quel endroit, dans les rues et dans les jardins, dans les caniveaux, le long du fleuve, dans le fleuve. Il existe des dépôts illégaux, situés par exemple dans des terrains vagues, sur lesquels les ordures s’accumulent. Mais il existe aussi des décharges publiques, ouvertes à tout le monde.

Le service de voirie est réglementé dans la plupart des quartiers. Les communes (Bamako est divisée en 6 communes) n’ont pas de moyens, ou bien la volonté de s’en occuper manque. Mais la population s’en charge elle-même. L’approche n’est cependant pas écologique, mais économique. Ce ne sont pas des syndicats d’initiative ou des ASBL, mais des Groupements d’Intérêts Economiques (GIE), auxquels les communes ont donné la permission d’enlever les ordures.

Deux à trois fois par semaine, les GIE utilisent de petits chariots circulant d’une maison à l’autre pour enlever les ordures. Ces chariots peuvent être attelés à un âne ou, plus rarement, à un tracteur, mais la plupart du temps ils sont tirés à la main et transportent ensuite les déchets sur les décharges officielles. Ce service coûte 1500 FCFA (2,3 EURO) par mois. C’est de cette manière qu’à peu près 50% des déchets sont enlevés.

Le Projet MLI/009 travaille principalement dans le domaine « Assainissement et Environnement » et vise la Commune 2. L’objectif est l’implication des populations dans la gestion quotidienne de leur environnement. Grâce au renforcement de la société civile, en collaboration avec la commune, la population doit s’occuper elle-même de l’assainissement de son cadre de vie et s’en sentir responsable. Même si le projet est réalisé principalement dans la Commune 2, deux de ses activités sont programmées sur le lieu de la décharge. L’activité actuelle, financée par le projet, consiste dans un « Projet de valorisation des déchets solides par la récupération » ; elle est planifiée et réalisée par la coordination des GIE de la Commune 1. Assistant technique junior, je suis chargé de faire le suivi de cette activité.

Tienta, le chauffeur, m’y conduit avec la voiture du projet. A cause du trafic plutôt chaotique, notre trajet dure presque une heure ; nous traversons des quartiers très pauvres, faits de cabanes en argile comme un village en pleine ville. Au dehors, il fait 40 degrés et dans la voiture, il fait bien frais à cause de la climatisation. Je regarde les enfants qui courent dans les ruelles et eux me regardent à leur tour, en se demandant ce que ce toubabou peut bien vouloir faire dans leur quartier. Personne ne vient mendier parce qu’ici les touristes ne s’aventurent jamais et que ces enfants n’ont pas l’habitude de demander des „cadeaux“ ou un « bici ». Comme les fenêtres de la voiture sont fermées, je ne peux pas sentir la décharge, mais je la vois de loin, annoncée par une fumée blanche et noirâtre : La décharge est en train de brûler.

La décharge brûle souvent

Beaucoup plus de cent personnes travaillent sur le site, dans le but de récupérer des objets. La plupart d’entre eux sont des femmes et des enfants,


de même qu’un fermier avec son troupeau de vaches en train de chercher sa nourriture.

Scène « idyllique ». Un Peul avec son chapeau traditionnel et ses vaches.

On ramasse tout ce qui peut être utilisé ou vendu : tissus, bouteilles, sacs à dos, déchets électriques, boîtes, pièces métalliques et tant d’autres. Cependant, les produits « valables » n’arrivent généralement pas à la décharge, mais sont déjà sélectionnés, manipulés et vendus avant.
Objets récupérés


Des poupées blanches pour des petites filles noires

Voilà pourquoi le plus grand pourcentage de déchets est constitué par de la matière plastique, matière ne pouvant pas être transformée directement. C’est ce produit qui est surtout ramassé, principalement sous forme de sacs d’emballage, parce que des usines l’achètent et le refondent pour en faire des seaux.

Le site se trouve dans une carrière désaffectée ayant servi à l’extraction de sable et de pierres. A une certaine époque, la production s’arrêta, le site était abandonné, et la cavité se remplissait d’eau, en provenance de la nappe phréatique. Plusieurs accidents se produisirent, des gens se noyèrent, et la population fit pression sur la commune pour que celle-ci s’en occupe. Mais que faire ? On développa un plan « superbe » : D’un côté, nous disposons d’une cavité volumineuse et potentiellement dangereuse, située à proximité d’un quartier d’habitation, d’un autre côté, nous avons une énorme quantité de déchets dont ne savons que faire. Pourquoi ne pas simplement remplir la cavité au moyen des déchets, résolvant ainsi les deux problèmes en même temps ?
On n’était pas dans les années cinquante ni soixante, mais en 1999.

On a trouvé aussi un bailleur pour financer le projet. Une importante ONG européenne l’a soutenu financièrement. Les déchets devaient être déposés au fond ; on voulait mettre une couche de déchets, qui devait être comprimée, ensuite une couche de latérite, à comprimer également, etc. Le site devait être fermé à l’aide de fils de fer. Des récipients spéciaux en béton, portant un grand panneau avec le nom de l’ONG, furent construits pour y faire du compostage. En 2002, on a fêté officiellement l’ouverture de la décharge.

La pancarte de la Commune avant l’ouverture officielle est encore sur le site

Mais, on ne sait pas pourquoi, le projet ne fonctionnait pas comme prévu. Le fil de fer avait disparu au bout d’un court laps de temps, personne ne sachant qui était le voleur. Les déchets amenés à la décharge n’étaient pas poussés au fond du trou à l’aide d’un bulldozer, mais restaient à l’entrée du site. On ne les comprimait pas, on laissait de côté les couches de thérite, et le compostage fut rapidement abandonné.

En 2005, ce fut le tour du deuxième bailleur ; il s’agissait d’une ONG américaine. Celle-ci construisit un mur d’enceinte que personne ne pouvait voler, et des toilettes pour les gens qui récupéraient des objets sur le site. D’autre part, elle finançait du matériel pour améliorer le transport des déchets. Ce deuxième projet fonctionnait mieux. Le mur existe toujours et les véhicules, portant le nom de l’ONG américaine, circulent encore sur la décharge.

Mais d’autres problèmes restent à résoudre. L’entretien par les bulldozers est très cher, le site n’est pas correctement géré, tout le monde amène ce qu’il veut et à l’heure qui lui convient et les déchets s’accumulent à l’entrée de la décharge.

Les ordures se tassant à l’entrée, le mur de l’enceinte va bientôt s’écrouler

Au fond de la cavité, il y a toujours de l’eau et il y a toujours des gens qui se noient. Il y a cependant une évolution en ce qui concerne l’eau elle-même : elle n’est plus une substance ennuyante inodore et incolore, mais elle a maintenant une belle couleur noire brillante et une odeur intéressante. Les habitants du quartier environnant feraient cependant mieux de ne pas boire l’eau des puits aux alentours.

La nappe phréatique envahissant l’ancienne carrière a connu un développement remarquable

En août 2006, la commune a transféré la gestion du site à la coordination des GIE. En principe, ce transfert correspond tout à fait à l’esprit du « private-public partnership » prôné par la Banque Mondiale, mais, en réalité, une commune complètement dépassée a transféré la gestion à un groupement lui-même dépassé et n’ayant pas les moyens de réaliser ce travail de manière correcte. La privatisation et le transfert des responsabilités publiques semblent toujours décrits de manière plus positive dans les rapports de la Banque mondiale?

Le projet MLI/009 ne peut pas changer beaucoup à la situation. Cependant, l’idée de base du projet, qui consiste dans le renforcement de la société civile, est également présente dans les activités réalisées sur la décharge. Les récupérateurs travaillant sur la décharge devront s’organiser pour fonder une association. Jusqu’ici, ils vendaient individuellement la matière plastique récupérée aux usines. Cependant, celles-ci cherchent à abaisser le prix, ou bien, refusent une grande partie du plastique qui leur est proposé. Les individus peuvent seulement s’appuyer sur eux-mêmes et n’ont aucune chance de s’imposer.

La matière plastique pourra être stocké et triée sur la décharge elle-même ; les travailleurs seront protégés contre le soleil par une espèce de hangar construit sur le site. Les membres pourront vendre la matière plastique à l’association, à un prix fixe garanti, et l’association pourra la revendre en gros aux usines. De cette manière, la position de base pour la négociation du prix et la discussion des conditions est bien meilleure. En même temps, les récupérateurs reçoivent une formation concernant les risques pour la santé liés à leur occupation et on leur distribue des gants et un masque respiratoire.

Quel avenir attendra les récupérateurs travaillant sur la décharge, quand le projet sera achevé, les comptes clôturés, les véhicules vendus, les rapports terminés, et lorsque le dernier évaluateur sera parti? Est-ce que l’Association des récupérateurs existera encore au bout de 3 ans ou est-ce que le panneau du projet se couvrira de rouille sur la décharge, pareillement aux panneaux de la commune et des deux autres bailleurs internationaux ? Il faut espérer que du moins la situation des récupérateurs se sera un peu améliorée.

Entre-temps, le district de Bamako est de plus en plus d’avis que la mise en place de la décharge sur ce site n’était pas une très bonne idée. Une grande décharge, avec protection intégrée pour la nappe phréatique, est programmée à 35 Km de Bamako, mais sa réalisation n’en est pas pour demain. Il existe également des initiatives pour résoudre le problème à la racine, c’est-à-dire pour mettre en place des actions concrètes de sensibilisation des gens, afin qu’ils produisent moins de déchets et utilisent surtout moins de matière plastique. Mais l’éducation à l’environnement est un domaine assez difficile ; l’exemple du Luxembourg est instructif à ce sujet.

Charel Schiltz
Assistant Technique Junior
MLI/009
Mars 2008

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