19.8.10

Caisses d'épargne et de crédit de l'espace UEMOA : Une psychose d'épidémie de faillite s'installe

Du 13 au 15 juillet dernier, les professionnels du secteur de la micro finance africaine se réunissaient en conclave à Bamako, à l'hôtel nord sud. L'un des objectifs essentiels de cette rencontre était de relever les défis auxquels le secteur est confronté, dont essentiellement la fin annoncée de l'âge d'or marquée par une sorte de psychose d'épidémie de faillite des caisses d'épargne et de crédit dans presque tous les pays de la sous région. Reste à voir maintenant si  le remède efficace a été trouvé au moment où les déposants dépouillés de leurs économies n'ont plus que leurs yeux pour pleurer.

Au Mali, l'on n'a pas fini de parler de l'affaire Jéméni, cette structure de micro finance en cessation de paiement depuis 2008. Les organes délibérants dissous, une mise sous administration provisoire a été décidée depuis juillet 2009.

Récemment, les déposants, surexcités, ont bruyamment réclamé le paiement  pur et simple de leur argent. Il a fallu beaucoup de tact à l'administrateur provisoire pour faire revenir à la raison les déposants, obligés de s'armer de patience et de confiance en lui pour espérer rentrer dans leurs droits. L'Indépendant en avait d'ailleurs fait écho, dans ses colonnes.

Comment une institution comme Jéméni, qui comptait 60 000 sociétaires a-t-elle pu se retrouver dans cette situation, surtout après avoir construit un siège flambant neuf qui a coûté une fortune dans le quartier huppé de l'ACI 2000?
A côté de Jéméni, une autre institution de micro finance malienne se fait tristement remarquer ces derniers temps. Il s'agit de la Caisse d'épargne et de crédit Kolon Kafosso, située au marché Dabanani, tout juste en face de la place OMVS. Les responsables ont déserté les locaux, laissant sur place une secrétaire chargée de contenir les états d'âme et descentes musclées des déposants qui ont été carottés par les responsables de ladite caisse. Un groupe de déposants, ne sachant plus où donner de la tête, a saisi le ministre de l'Economie et des finances et le Médiateur de la République, après des plaintes en justice restées sans suite. Nous y reviendrons.
Depuis quelques jours, c'est le Centre d'appui nutritionnel économique aux femmes (CANEF) qui est sur la sellette car accusé par les déposants d'avoir détourné leurs fonds. On parle de près de 700 millions de nos francs. Le directeur de l'institution préférant s'évaporer dans la nature, pendant que les femmes, clientes malheureuses de la caisse, réclament urbi et orbi leur argent. Au Sénégal, c'est presque la déconfiture du système à cause des multiples cas de faillite de caisses d'épargne et de crédit. Les dirigeants de plusieurs structures de micro finance ont même pris la poudre d'escampette pour échapper à la justice.
Au Togo, l'Etat a mis sous administration provisoire " Investir dans l'humain " (IDH) une importante institution de micro finance appartenant à l'ancien Premier ministre Kwatsi Klutsé sous feu Gnassingbé Eyadéma. Ceci, après dissolution des organes délibérants. Une mesure de sauvegarde en attendant un audit global pour mesurer l'ampleur des difficultés que traverse l'IDH.
L'encours de crédit accordé se chiffrait, au 31 décembre 2009, à 6,7 milliards FCFA. Enorme !
Mais ces quelques exemples ne sont presque rien en considérant le cas du Bénin, où de petits organismes de placement sont tombés en faillite, engloutissant ainsi plus d'une centaine de milliards FCFA des populations. Les dirigeants inspirés certainement par le tristement célèbre Madoff des Etats Unis, promettaient une fructification exceptionnelle des dépôts, avec des taux d'intérêts pouvant aller jusqu'à 200%.
Les premiers clients ont été bien traités, question d'en attirer d'autres, des milliers, pour mieux les escroquer. Les initiateurs de cette arnaque ont décroché leur enseigne en plein jour pour se fondre dans la nature. Pendant que les victimes pleurent, les escrocs se la coulent douce dans leurs villas cossues, se déplaçant en grosses cylindrées aux vitres blindées, avec tout l'arsenal du parfait nouveau riche. La justice béninoise n'a pu récupérer que moins de 10 milliards FCFA en biens saisis sur les responsables de cette grosse arnaque. 10 milliards FCFA sur plus de 100 milliards FCFA, c'est vraiment insignifiant.
Le cas du Bénin est certes l'exemple le plus frappant en ce qui concerne la crise qui s'empare progressivement du secteur de la micro finance en Afrique de l'ouest. On en a tellement parlé qu'on semble oublier les cas de tous les autres pays de l'Afrique de l'ouest où les nombreuses faillites déclarées au niveau des caisses d'épargne et de crédit viennent ainsi jeter un pavé dans la mare d'opulence et de fiabilité des institutions de micro crédit, à tel point que l'on se demande si c'est vraiment la fin de l'âge d'or de la micro finance vantée comme alternative sérieuse contre la pauvreté ?
En effet, une part importante des institutions de micro crédit ont soit mis la clé sous le paillasson soit en train de barboter dans des difficultés de trésorerie, ne laissant aux déposants que leur langue pour crier haut et fort leur désarroi ou, pour les moins loquaces, leurs yeux pour pleurer.
Pourtant la BCEAO a tiré la sonnette d'alarme il y a quelques années, appelant l'ensemble des pays à prendre les dispositions nécessaires pour prévenir de tels errements, au vu du développement anarchique du secteur où trois tondus et deux pelés, pour peu qu'ils soient un peu malins, créent une caisse d'épargne et de crédit pour soit financer leurs propres opérations à travers l'argent des déposants sans aucun frais, soit dilapider purement et simplement les sommes confiées à la caisse pour disparaître dans la nature.
Les difficultés sont alors connues : mauvaise gestion et détournements. Si les gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités pour verrouiller le secteur de la micro finance, celui-ci permettra de sa superbe, alors que mis à part les brebis galeuses, il recèle un bon potentiel pour accompagner le développement des petites et moyennes entreprises. Raison pour laquelle, il faut un durcissement des conditions de création et de gestion des structures de micro crédit.


Article du 10/08/2010 de Amadou Baba Niang - Journal l'Indépendant

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