6.7.09

Mali - Touche pas à mes cheveux

Dans un pays qui compte plus de 500 000 motocyclistes, le port du casque est obligatoire. Mais il n’est pas toujours compatible avec les canons de beauté en vigueur.

Aucune femme n’aime ruiner une belle coiffure, pas même les motocyclistes de Bamako. Au cours des dernières années, la capitale chaude et humide du Mali a été envahie par les deux-roues*. Deux raisons à cela : l’explosion des importations de motos chinoises à bas prix et l’état exécrable des transports publics. Les routes de Bamako sont des endroits traîtres et un chapelet de ronds-points, tous décorés d’un imposant monument à la gloire d’un ancien leader ou d’un événement du passé national, ajoutent à la confusion. La ville est séparée en deux par l’étendue béante du fleuve Niger et, à l’heure de pointe, la circulation se concentre sur deux ponts – mais des Chinois travaillent à la construction d’un troisième, qui devrait Slalomant entre les voitures poussiéreuses, les motocyclistes prêtent à peine attention aux règles du code de la route. Bien que la loi malienne exigeant le port du casque et l’immatriculation des motos soit
en vigueur depuis deux ans, il y a peu de chances que les autorités parviennent à l’appliquer. Les casques sont rares et les motos importées illégalement, sans plaque d’immatriculation, sont faciles à repérer dans les embouteillages de Bamako. Tout comme les automobilistes, les motocyclistes doivent être en possession d’un permis valide, mais les leçons et connaissances du code de la route sont plus difficiles à payer que le permis lui-même. Il suffit de savoir à qui
remettre votre enveloppe de francs CFA.
En octobre 2008, le gouvernement, inquiet du nombre croissant de décès liés à des accidents de moto – 296 en 2007 – a annoncé que les motocyclistes devaient, dans les six prochains mois, se procurer un casque n’en ont fait aucun cas, en particulier la fraction de plus en plus importante de femmes motocyclistes. Elles ont mis en cause le prix du casque (environ 5 000 CFA) [7,50 euros] et ont réclamé plus de temps pour se conformer aux nouvelles règles. En réalité, leurs préoccupations ne concernaient pas tant le coût du casque que la chaleur* et l’élégance de leur coiffure.
Les motocyclistes estiment que les casques ne sont pas conçus pour l’Afrique de l’Ouest. Avec des températures moyennes annuelles de plus de 30 °C à Bamako, on étouffe sous un casque. Et quel gâchis pour les cheveux qu’on a mis des heures à coiffer à la dernière mode. Confronté à la dissidence et au désintérêt, le gouvernement a accepté, en avril – six mois après la première annonce – de prolonger la période de grâce jusqu’à fin 2009.
La moto est devenue un symbole de statut social pour les jeunes Maliens. Malgré populaire est la Jakarta, un nom inspiré de la capitale indonésienne. Environ deux tiers des quelque 500 000 motos du Mali sont des Jakarta. Elles sont plus économiques que d’autres motos, mais moins robustes et plus sujettes aux accidents. Les prix varient en fonction de la propension du propriétaire à respecter les lois. Les motos vendues avec une immatriculation valide coûtent
375 000 CFA [571 euros] et celles vendues sans, 300 000 CFA [457 euros]. Comparées aux vélos, qui coûtent l’équivalent de 94 euros, les motos ne sont pas particulièrement bon marché. Mais les cinq années de croissance à 5 % ont permis aux Maliens de bénéficier de meilleurs salaires et ont donné aux jeunes une soif de mobilité. “La moto facilite la vie”, explique Souleymane Drabo, rédacteur en chef de L’Essor, un quotidien de Bamako. “C’est très pratique, plus pratique que dangereux”, ajoute-t-il.

Article de Bryony Parker -
du Courrier International n°974 du 2 au 8 juillet 2009.

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