7.1.10

Le mil, aliment du futur au Sahel

Le mil est la base de l'alimentation quotidienne des 50 millions d’habitants du Sahel. Extrêmement résistant à la sécheresse et bien adapté aux sols pauvres, il reste la seule culture correspondant véritablement aux conditions du milieu et aux habitudes alimentaires traditionnelles.


 © IRD / Claire Costis

Pourtant, les récoltes varient considérablement en fonction de la pluviométrie et de la fertilité des sols. Sécheresse accrue d'année en année, changement climatique, désertification : pour faire face à la grande variabilité des conditions environnementales dans la région et assurer des rendements suffisants, les agriculteurs sahéliens doivent pouvoir choisir des variétés adaptées. Depuis sa domestication il y a plus de 3500 ans, l'homme a ainsi sélectionné des caractères agronomiques importants et développé une grande diversité de variétés, adaptées notamment à différents climats.

Les chercheurs de l'IRD et de l'Université Abdou Moumouni à Niamey, au Niger, viennent d'identifier un gène responsable de cette adaptation. Dénommé PHYC, il s’agit d’un des gènes jouant un rôle dans la perception de la lumière chez les plantes. Dans le contexte de changement climatique actuel, la découverte de ce facteur génétique clé permet le développement de variétés appropriées.


© IRD / Modeste Djossou
Consommation de bouillie à forte densité energétique


Principale source d’énergie de millions de personnes, le mil est le pilier de la sécurité alimentaire au Sahel. C'est une des cultures vivrières les plus importantes de la région, avec deux autres céréales le sorgho et le riz. Au Niger, le deuxième producteur d’Afrique après le Nigeria, il couvre par exemple plus de 65% de la surface cultivée et constitue près des trois quarts de la production céréalière du pays. C’est en effet la culture la mieux adaptée aux zones arides et semi-arides.

Le mil est cultivé depuis plus de 3 500 ans dans tout le Sahel et les pays tropicaux d’Afrique de l’Ouest. Originaire du Niger et du Mali, sa culture s'est diffusée en Afrique équatoriale puis vers l'Inde, notamment grâce à une adaptation génétique à différents climats, un des facteurs clé de la domestication et de la diffusion des plantes cultivées.


@ IRD / Cédric Mariac - Culture du mil, Niger

Un gène, une adaptation

Quels gènes l’homme a-t-il sélectionné au fil des millénaires afin de cultiver le mil sous différents climats? Pour le savoir, les chercheurs de l’IRD et de l'Université Abdou Moumouni à Niamey, au Niger, ont déterminé un des responsables de cette adaptation : le gène appelé PHYC qui joue un rôle prépondérant dans la perception de la lumière par la plante. Les scientifiques ont en effet découvert une association significative entre les variations génétiques, d'une espèce à l'autre, du gène PHYC et celles de la durée de floraison, ainsi que de certains traits morphologiques tels que la longueur des épis et le diamètre de la tige. Or, la floraison est étroitement liée aux conditions climatiques : une variété à floraison longue est mieux adaptée aux climats plus humides, et inversement. Par exemple, les espèces cultivées en Afrique tropicale côtière fleurissent en 160 jours, tandis que la floraison des variétés sahéliennes peut être observée dès 45 jours. Jusqu’à présent, les facteurs génétiques soulignant les différences entre ces variétés étaient inconnus.

Une méthode innovante

Pour identifier le gène PHYC, les chercheurs ont utilisé une méthode novatrice qui prend en compte l'histoire évolutive des populations de mil. Ils ont tout d’abord sélectionné 90 lignées et mené 3 essais de terrain au Niger entre 2005 et 2006 pour les caractériser. Date de floraison, ramification, hauteur de la plante, taille et diamètre de l’épi : tous ces paramètres ont été passés au crible. Les chercheurs ont alors séquencé1 huit gènes de floraison des lignées étudiées et ont appliqué une analyse statistique de ces différents gènes, tenant compte de la structure des populations et des liens de parenté dans les échantillons étudiés. Utilisant ainsi les croisements qui ont eu lieu depuis des milliers d’années, ils ont alors pu isoler très finement un gène très important pour l'adaptation du mil au climat.


© IRD / Marie-Noëlle favier
En pays Dogon, scène de village. Femmes pilant en rythme le mil dans des motiers en bois avec un pilon, entourées de leur enfant. La préparation des repas traditionnels demande de longues heures.







En pays Dogon, scène de village. Femmes pilant en rythme le mil dans des motiers en bois avec un pilon, entourées de leur enfant. La préparation des repas traditionnels demande de longues heures.
Jusqu’à présent, la recherche de tels facteurs génétiques consistait à effectuer des croisements afin d’obtenir des hybrides et à analyser les descendances ainsi obtenues. Cette méthode de croisement génétique ne permettait d’analyser que quelques générations d'individus et de n’isoler que des gros blocs chromosomiques. L’identification des gènes nécessite ensuite de nombreuses années de recherche supplémentaires. La nouvelle approche utilisée dans cette étude permet d’accélérer considérablement l’identification de gènes d’importance agronomique.


© IRD / Marie-Noëlle favier - Génétique des mils

Les prévisions des climats futurs de la zone sahélienne restent très incertaines. Cependant, les zones arides et semi-arides subissent des changements abrupts du climat. Ainsi, depuis 40 ans, le Sahel connaît une baisse tendancielle de la pluviométrie. L'identification du gène de l'adaptation du mil à différents climats permet de sélectionner et développer les variétés les plus appropriées dans un tel contexte de changement environnemental et climatique.
Le mil pourrait ainsi devenir le fer de lance de la lutte contre la sécheresse au Sahel.

 
Article original : Site IRD

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