"Une nouvelle relation" entre la France et l'Afrique
Nommé il y a deux mois au poste de secrétaire d'Etat la Coopération et à la Francophonie, en lieu et place de Jean-Marie Bockel, Alain Joyandet sera à Brazzaville mercredi et jeudi avant de rejoindre le président français en Angola vendredi. Deux pays producteurs de pétrole. Pour leJDD.fr, le ministre précise l'enjeu de ces visites et revient sur la polémique suscitée par sa nomination.
Vous partez mercredi au Congo Brazzaville, puis vous rejoindrez Nicolas Sarkozy en Angola. Quel est l'objectif de ces visites?
Mon objectif personnel est de signer un contrat sur la coopération au Congo Brazzaville. Ensuite, je rejoins le président en Angola où je signerai une convention de financement concernant la création d'une formation à l'enseignement technologique dans l'enseignement supérieur. Voilà pour ma partie.
Quel est l'objectif de Nicolas Sarkozy?
Le président de la République a ses propres objectifs, qui sont ceux de l'Etat français.
Au Congo, vous devez notamment inaugurer la nouvelle plateforme de Total. Un événement qui provoque la colère des ONG, qui dénoncent le manque de transparence dans la gestion des revenus du pétrole. Est-ce vraiment votre place sur cette plateforme?
Je vais effectivement inaugurer la plateforme pétrolière de Total. Et je pense que ça sera particulièrement intéressant. Par ma présence, je montre l'intérêt que porte l'Etat français à la présence et à la performance de cette entreprise sur le continent africain. Or, l'implantation des entreprises françaises en Afrique est l'une de mes priorités. Il est par ailleurs tout à fait normal que le ministre de la Coopération inaugure cette plateforme, qui représente une vraie performance technologique.
"Accentuer la politique d'influence de la France"
Ces mêmes ONG disent que vous n'allez au Congo que parce que vous y êtes invité par Total?
Je suis invité par Total pour l'inauguration seulement. Mais je dois aussi rencontrer le président de la République [Denis Sassou-Nguesso, ndlr]. Je vais à cette inauguration par mes propres moyens, je ne suis pas transporté par Total. Cette visite s'inscrit dans le cadre de mon action ministérielle. J'assisterai à cette inauguration pour deux raisons. D'abord, parce qu'on doit absolument réorienter la politique de coopération française en direction du développement économique privé et faire venir les entreprises françaises sur le continent africain. Ensuite, parce que je veux appliquer cette démarche à l'ensemble du continent africain. Quelle que soit l'histoire des régions dans lesquelles je me déplace, même dans la partie anglophone de l'Afrique, je veux défendre les intérêts supérieurs de la France, tout en faisant progresser les valeurs.
Quel est cet "intérêt supérieur"?
Je veux accentuer la politique d'influence de la France sur le plan économique. C'est une erreur stratégique majeure de ne pas développer cet axe alors même que le continent africain est en train de se développer. C'est le rôle de la France d'appuyer les entreprises qui viennent s'installer, comme Total. Je le fais de manière totalement sereine. Pourquoi, par rapport aux autres pays, la France se contenterait-elle de faire de l'aide humanitaire ou de défendre des valeurs? Je veux rectifier le tir en ce qui concerne notre développement économique en Afrique. La France ne peut pas seulement être un pays qui se bat pour défendre des valeurs, quand ce sont les autres qui récupèrent les marchés.
Vous pensez à la Chine?
La Chine, oui, mais pas seulement. J'ai beaucoup d'exemples concrets. Je suis allé en Tanzanie où l'AFD [Agence française de développement, ndlr], subventionne la construction d'un collège, pour un montant total de cinq millions d'euros. Que s'est-il passé? Les Chinois ont récupéré le marché de la construction. Aucune entreprise française n'a été capable de répondre à l'appel d'offre. On a une agence qui distribue de l'argent mais cela ne suscite pas l'implantation d'entreprises françaises. Ce n'est pas pensable. Il faut redresser notre démarche économique, renforcer notre appui. En la matière, je veux une vraie démarche volontariste.
Cela fait deux mois, presque jour pour jour, que vous avez été nommé à la Coopération et la Francophonie. Quel bilan faites-vous de ces premières semaines?
Depuis deux mois, je suis allé sur le terrain de manière exhaustive. J'ai déjà visité onze pays. J'ai rencontré des dirigeants du FMI, de la Banque mondiale, de l'ONU. Je commence à avoir une idée de comment ça marche. Je veux axer ma politique sur le développement économique au profit de l'Afrique. C'est dans ce cadre que les entreprises françaises doivent s'implanter. L'Afrique frémit. La seule vraie question est de savoir si la France sera présente à la hauteur de la place qu'elle mérite ou si elle sera doublée par l'ensemble des autres pays. Je ne veux pas constater dans vingt ans que nos entreprises sont passées à côté de cette opportunité planétaire.
"Je ne suis pas un homme de conflit"
Votre nomination a été entourée d'une polémique. Beaucoup ont vu dans le départ de Jean-Marie Bockel, une sorte de "punition" pour ses propos sur la Françafrique. Le ministre avait notamment dit vouloir "signer l'acte de décès" de la Françafrique. Quel est votre sentiment?
Je l'ai toujours dit, pour moi, on ne crée rien sur un avis de décès. Pour conduire la mission qui m'a été confiée, j'ai besoin de travailler avec tout le monde. Je veux présenter l'Afrique en bien. Je veux discuter avec tout le monde. Je veux faire du développement économique partout pour améliorer le niveau social partout, quel que soit le pays, quels que soient les dirigeants. Mais cela ne m'empêche pas de faire passer des messages. Il n'y a pas de polémique à avoir. On est tellement aux antipodes du vrai problème!
Pour votre première visite en Afrique, vous êtes allé voir Omar Bongo, président du Gabon, considéré comme l'une des "figures" de la Françafrique. Comprenez-vous que cette visite ait pu choquer?
Il n'y a pas de polémique sur ce sujet. J'ai fait cette visite de manière publique, accompagné du secrétaire général de l'Elysée [Claude Guéant, ndlr]. L'actualité des relations entre la France et l'Afrique, ce n'est pas ça. C'est ce qu'il se passe en Afrique. Nous sommes au seuil d'une nouvelle relation entre la France et le continent africain. Je travaille pour moderniser cette relation. Pour cela, la France a besoin des anciennes générations de chefs d'Etat africains, comme des nouvelles. Quand je me déplace en Afrique, je vois tout le monde. Je bosse. Je n'y vais pas pour faire du tourisme. Mais j'essaie d'être équilibré dans mes choix et les choses se passent très bien. Je ne suis pas un homme de conflit, ce qui ne m'empêche pas de porter les valeurs de la France et de poser des questions franches.
Les derniers mois ont été marqués par la hausse des cours des denrées alimentaires. Plusieurs émeutes de la faim ont eu lieu en Afrique. Quel peut être le rôle de la France?
C'est l'occasion ou jamais de développer l'agriculture dans les pays africains. C'est un vrai sujet important, aux antipodes de la polémique. Les choses bougent. Selon moi, l'évolution des prix des cours mondiaux n'est pas conjoncturelle mais structurelle. C'est une opportunité majeure pour relancer l'agriculture dans les pays africains. Tout ce qui était impossible avant devient possible. Nous allons réorienter une partie de l'aide publique au développement vers l'agriculture. La France doit être pionnière sur ce sujet. Tout est possible à condition qu'on aide. Il faut arrêter de donner des poissons pour donner des filets et apprendre aux gens à s'en servir. Le premier objectif est donc de renforcer le développement économique de l'Afrique, et le second est de se positionner en terme de parts de marché. Attention, je ne dis pas qu'on va changer les choses à 100%. Je ne dis pas que c'est parfait depuis des décennies. On ne va pas rayer le passé. Il faut assumer le passé. Mais on ne va pas passer notre temps à s'auto flageller. La question est: qu'est-ce qu'il faut faire pour aider l'Afrique et être présent?
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Vous partez mercredi au Congo Brazzaville, puis vous rejoindrez Nicolas Sarkozy en Angola. Quel est l'objectif de ces visites?
Mon objectif personnel est de signer un contrat sur la coopération au Congo Brazzaville. Ensuite, je rejoins le président en Angola où je signerai une convention de financement concernant la création d'une formation à l'enseignement technologique dans l'enseignement supérieur. Voilà pour ma partie.
Quel est l'objectif de Nicolas Sarkozy?
Le président de la République a ses propres objectifs, qui sont ceux de l'Etat français.
Au Congo, vous devez notamment inaugurer la nouvelle plateforme de Total. Un événement qui provoque la colère des ONG, qui dénoncent le manque de transparence dans la gestion des revenus du pétrole. Est-ce vraiment votre place sur cette plateforme?
Je vais effectivement inaugurer la plateforme pétrolière de Total. Et je pense que ça sera particulièrement intéressant. Par ma présence, je montre l'intérêt que porte l'Etat français à la présence et à la performance de cette entreprise sur le continent africain. Or, l'implantation des entreprises françaises en Afrique est l'une de mes priorités. Il est par ailleurs tout à fait normal que le ministre de la Coopération inaugure cette plateforme, qui représente une vraie performance technologique.
"Accentuer la politique d'influence de la France"
Ces mêmes ONG disent que vous n'allez au Congo que parce que vous y êtes invité par Total?
Je suis invité par Total pour l'inauguration seulement. Mais je dois aussi rencontrer le président de la République [Denis Sassou-Nguesso, ndlr]. Je vais à cette inauguration par mes propres moyens, je ne suis pas transporté par Total. Cette visite s'inscrit dans le cadre de mon action ministérielle. J'assisterai à cette inauguration pour deux raisons. D'abord, parce qu'on doit absolument réorienter la politique de coopération française en direction du développement économique privé et faire venir les entreprises françaises sur le continent africain. Ensuite, parce que je veux appliquer cette démarche à l'ensemble du continent africain. Quelle que soit l'histoire des régions dans lesquelles je me déplace, même dans la partie anglophone de l'Afrique, je veux défendre les intérêts supérieurs de la France, tout en faisant progresser les valeurs.
Quel est cet "intérêt supérieur"?
Je veux accentuer la politique d'influence de la France sur le plan économique. C'est une erreur stratégique majeure de ne pas développer cet axe alors même que le continent africain est en train de se développer. C'est le rôle de la France d'appuyer les entreprises qui viennent s'installer, comme Total. Je le fais de manière totalement sereine. Pourquoi, par rapport aux autres pays, la France se contenterait-elle de faire de l'aide humanitaire ou de défendre des valeurs? Je veux rectifier le tir en ce qui concerne notre développement économique en Afrique. La France ne peut pas seulement être un pays qui se bat pour défendre des valeurs, quand ce sont les autres qui récupèrent les marchés.
Vous pensez à la Chine?
La Chine, oui, mais pas seulement. J'ai beaucoup d'exemples concrets. Je suis allé en Tanzanie où l'AFD [Agence française de développement, ndlr], subventionne la construction d'un collège, pour un montant total de cinq millions d'euros. Que s'est-il passé? Les Chinois ont récupéré le marché de la construction. Aucune entreprise française n'a été capable de répondre à l'appel d'offre. On a une agence qui distribue de l'argent mais cela ne suscite pas l'implantation d'entreprises françaises. Ce n'est pas pensable. Il faut redresser notre démarche économique, renforcer notre appui. En la matière, je veux une vraie démarche volontariste.
Cela fait deux mois, presque jour pour jour, que vous avez été nommé à la Coopération et la Francophonie. Quel bilan faites-vous de ces premières semaines?
Depuis deux mois, je suis allé sur le terrain de manière exhaustive. J'ai déjà visité onze pays. J'ai rencontré des dirigeants du FMI, de la Banque mondiale, de l'ONU. Je commence à avoir une idée de comment ça marche. Je veux axer ma politique sur le développement économique au profit de l'Afrique. C'est dans ce cadre que les entreprises françaises doivent s'implanter. L'Afrique frémit. La seule vraie question est de savoir si la France sera présente à la hauteur de la place qu'elle mérite ou si elle sera doublée par l'ensemble des autres pays. Je ne veux pas constater dans vingt ans que nos entreprises sont passées à côté de cette opportunité planétaire.
"Je ne suis pas un homme de conflit"
Votre nomination a été entourée d'une polémique. Beaucoup ont vu dans le départ de Jean-Marie Bockel, une sorte de "punition" pour ses propos sur la Françafrique. Le ministre avait notamment dit vouloir "signer l'acte de décès" de la Françafrique. Quel est votre sentiment?
Je l'ai toujours dit, pour moi, on ne crée rien sur un avis de décès. Pour conduire la mission qui m'a été confiée, j'ai besoin de travailler avec tout le monde. Je veux présenter l'Afrique en bien. Je veux discuter avec tout le monde. Je veux faire du développement économique partout pour améliorer le niveau social partout, quel que soit le pays, quels que soient les dirigeants. Mais cela ne m'empêche pas de faire passer des messages. Il n'y a pas de polémique à avoir. On est tellement aux antipodes du vrai problème!
Pour votre première visite en Afrique, vous êtes allé voir Omar Bongo, président du Gabon, considéré comme l'une des "figures" de la Françafrique. Comprenez-vous que cette visite ait pu choquer?
Il n'y a pas de polémique sur ce sujet. J'ai fait cette visite de manière publique, accompagné du secrétaire général de l'Elysée [Claude Guéant, ndlr]. L'actualité des relations entre la France et l'Afrique, ce n'est pas ça. C'est ce qu'il se passe en Afrique. Nous sommes au seuil d'une nouvelle relation entre la France et le continent africain. Je travaille pour moderniser cette relation. Pour cela, la France a besoin des anciennes générations de chefs d'Etat africains, comme des nouvelles. Quand je me déplace en Afrique, je vois tout le monde. Je bosse. Je n'y vais pas pour faire du tourisme. Mais j'essaie d'être équilibré dans mes choix et les choses se passent très bien. Je ne suis pas un homme de conflit, ce qui ne m'empêche pas de porter les valeurs de la France et de poser des questions franches.
Les derniers mois ont été marqués par la hausse des cours des denrées alimentaires. Plusieurs émeutes de la faim ont eu lieu en Afrique. Quel peut être le rôle de la France?
C'est l'occasion ou jamais de développer l'agriculture dans les pays africains. C'est un vrai sujet important, aux antipodes de la polémique. Les choses bougent. Selon moi, l'évolution des prix des cours mondiaux n'est pas conjoncturelle mais structurelle. C'est une opportunité majeure pour relancer l'agriculture dans les pays africains. Tout ce qui était impossible avant devient possible. Nous allons réorienter une partie de l'aide publique au développement vers l'agriculture. La France doit être pionnière sur ce sujet. Tout est possible à condition qu'on aide. Il faut arrêter de donner des poissons pour donner des filets et apprendre aux gens à s'en servir. Le premier objectif est donc de renforcer le développement économique de l'Afrique, et le second est de se positionner en terme de parts de marché. Attention, je ne dis pas qu'on va changer les choses à 100%. Je ne dis pas que c'est parfait depuis des décennies. On ne va pas rayer le passé. Il faut assumer le passé. Mais on ne va pas passer notre temps à s'auto flageller. La question est: qu'est-ce qu'il faut faire pour aider l'Afrique et être présent?
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