La foret classée du Kou
Le Burkina Faso est un pays sahélien. Quand on parle de pays sahélien on imagine plutôt des savanes arides traversées par des troupeaux de bœufs amaigris cherchant désespérément des points d’eau et ici et là quelques arbres torturés par le soleil et le manque d’eau. La chaleur trouble l’horizon, les couleurs ocre dominent, le vert est absent.
Et pourtant...dans ce contexte le sud-ouest du pays apparaît comme un endroit béni des Dieux. Le climat de type soudanien y est plus doux, il peut pleuvoir plus de 1 000 mm pendant l’hivernage (la saison des pluies, de juin à septembre) contre moins de 600 mm dans le Nord à la même période. C’est la région la plus productive du pays sur les plans agricole et industriel…évidemment puisqu’ il y a de l’eau, de l’eau et des forêts !!!
Ces deux ressources naturelles, si communes sous nos latitudes, jouent ici un rôle primordial. Leur absence ou leur présence détermine les conditions de vie des populations.
La ville de Bobo-Dioulasso, capitale économique, se situe dans cette zone. La population est estimée à environ 600 000 habitants avec un taux de croissance de près de 3 % par an. Ces richesses naturelles sont aujourd’hui menacées essentiellement par la surexploitation et l’expansion démographique. Le bois reste la principale source d’énergie à l’échelle du pays et pour les populations les plus démunies c’est parfois la seule source de revenu. La ville de Bobo est entourée par quatre forêts, classées à l’époque de la colonisation.
Le projet d’aménagement participatif des forêts classées de Dindéresso et du Kou BKF/007∙PAFDK (2002-2006) et sa seconde phase, le projet d’appui à la gestion participative des ressources naturelles dans la région des Hauts-Bassins BKF/012∙PAGREN (2006-2011), ont eu pour principe commun d’aider les autorités locales dans l’aménagement, la protection et la gestion participative de ces ressources naturelles, avec pour objectif global l’amélioration des conditions de vie des populations et la lutte contre la pauvreté.
Dans le cadre de mon travail en tant qu’assistante technique junior (ATJ) depuis octobre 2005, je m’occupe particulièrement de la forêt classée du Kou et plus généralement de tout ce qui concerne l’écotourisme et l’éducation à l’environnement.
La forêt du Kou, est unique en son genre au Burkina Faso. C’est l’une des dernières forêts naturelles reliques de type guinéen. D’une superficie de seulement 115 ha elle est d’une importance stratégique pour la ville de Bobo-Dioulasso et sa région. En effet, elle abrite des sources, que l’on nomme « Guinguette » qui alimentent toute la ville de Bobo en eau potable ainsi que la rivière du Kou en saison sèche, qui sert à l’irrigation d’un périmètre rizicole de 1 200 ha et à de nombreuses cultures maraîchères en aval. Elle a donc un rôle économique indéniable, mais l’intérêt de cette forêt se situe également à un autre niveau.
Elle est là pour nous rappeler l’incroyable force de la nature. La forêt classée du Kou est un véritable îlot de verdure, de fraîcheur et de biodiversité en contraste total avec l’extérieur.
La forêt galerie, qui se situe le long des cours d’eau du Kou et de la Guinguette, est d’une très grande richesse. Certains arbres, comme l’Iroko, sont extrêmement rares au Burkina Faso et peuvent dépasser les 30 m de hauteur. Quand on rentre dans la forêt galerie on se croirait en Côte-d’Ivoire ou au Ghana.
Mais comment se fait-il que ce petit bout de forêt a réussi à échapper à la voracité des hommes ?
Tout simplement parce que les hommes ont compris depuis fort longtemps que leur vie dépendait de cette alliance entre les sources et la forêt. Les croyances animistes ont, bien avant l’arrivée des colons, classée à leur manière cette forêt. Elle a été préservée jusqu’à nos jours grâce à son statut de forêt sacrée. De nombreux lieux de cultes y sont présents pour honorer les Esprits et demander leur soutien. Ces Esprits habitent toutes formes de vie de la nature (plantes, arbres, animaux…), mais aussi des lieux comme les sources ou les rivières. C’est ainsi que certaines activités comme la coupe de bois ou la chasse sont totalement interdites dans la forêt. Quiconque enfreignait cette règle s’exposait à la colère des Esprits. Aujourd’hui ces croyances persistent mais comme partout elles tendent à être remplacées par d’autres, celles de l’argent et du profit. La forêt risque donc de se retrouver démunie de ces meilleurs armes.
Depuis les années soixante le site est fréquenté par de nombreux visiteurs qui viennent se baigner au niveau même des sources, occasionnant de multiples pollutions, la fuite de la faune et la dégradation de la flore.
Depuis 2005, le projet BKF/007 a obtenu l’interdiction de la baignade dans la forêt classée du Kou. En contrepartie, le projet a proposé d’orienter la fréquentation de la forêt vers l’écotourisme et l’éducation à l’environnement et a délocalisé la baignade en aval, loin des sources, dans la forêt classée de Dindéresso.
En tant que sociologue spécialisée en aménagement du territoire mon travail est de valoriser le patrimoine écologique et culturel de la forêt classée du Kou et d’organiser les populations locales pour la gestion écotouristique de ces deux sites. Le principe de base est que 50% des recettes bénéficient au village, le reste est distribué entre le fonds d’aménagement de la forêt et des taxes diverses. L’objectif est de protéger les ressources naturelles tout en participant au développement local des villages riverains.
Les sites aménagés sont ouverts depuis avril 2006. En ce qui concerne la forêt classée du Kou, j’ai participé aux différentes études et inventaires afin de mieux connaître les potentialités de cette forêt. J’ai également proposé des circuits thématiques de découverte de la nature et organisé la gestion participative du site. Dix sept personnes issues du Groupement de Gestion Forestière (GGF) du village riverain de Kokorowé, sont en charge de la surveillance, de la gestion et de l’accueil des visiteurs. Depuis l’ouverture du site en avril 2006, plus de 3000 visiteurs sont venus pour découvrir cette forêt, répartis de façon quasi égale entre les 3 catégories que sont les élèves, les visiteurs nationaux et les visiteurs d’autres nationalités.
La nouvelle baignade de Dindéresso a, quant à elle, accueilli plus de 7 500 visiteurs lors de la campagne 2006 et 2007, en majorité des élèves. Ce site répond ainsi sa vocation d’être un lieu de loisir et de détente pour les jeunes de Bobo en alternative à la Guinguette.
La mise en place de l’activité d’écotourisme dans ces deux forêts permet ainsi de valoriser à la fois le patrimoine naturel et culturel des populations locales. Elles s’approprient désormais la forêt et la nécessité de la protéger car elles en tirent leur revenu et leur dignité. Les villageois en charge de la gestion de la forêt sont fiers de pouvoir faire découvrir leur patrimoine aux différents visiteurs. Les vieux du village ont même constaté que la végétation reprenait de l’ampleur et vous savez quoi… ? les hippopotames, qui avaient fui le tourisme de masse, sont de retour cette année.
Amélie Brenner
Labels: Burkina Faso
1 Commentaires:
Bonjour Amélie,
Ce post va vous paraitre un peu etrange, mais je suis à la recherche d'une Amélie ayant vécu à Bobo aux alentours de 2007 et ayant travaillé dans les forêts.. Vaste recherche ! Mais si vous voyez ce message, je suis envoyée par Kaboré Denise, à qui cette "merveilleuse Amélie" (je ne sais pas si c'est vous ou non, en tout cas c'est elle qui le dit), lui a appris à lire et à nager et qu'elle aimerait beaucoup retrouver.
S'il s'avérait que c'était vous, vous pouvez me contacter sur mon mail cloe.z.collet@wanadoo.fr
Amicalement
7:42 AM
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