21.1.08

Médecins Sans Frontières Luxembourg: cap sur le B2B

Claude Briade, directeur communication et fundraising pour MSF Luxembourg (Photo: Luc Deflorenne)

La section luxembourgeoise de l'ONG, pour diversifier ses ressources, s'est engagée dans une démarche de multiplication des partenariats avec les entreprises du pays.
Il peut paraître surprenant qu’une ONG se lance dans la pratique du B2B. C’est pourtant sur cette stratégie que mise Médecins Sans Frontières Luxembourg (MSF-Lux), dans le but d’étendre son rayonnement. Certains crieront au scandale, tant il est vrai qu’une ONG qui commerce, ça peut paraître douteux. Mais c’est justement pour protéger ce statut que MSF-Lux a choisi de développer ce type de coopérations. MSF dispose de deux principales sources de revenus: les dons privés (legs, héritages…), et les dons institutionnels (institutions européennes, gouvernement luxembourgeois…) que l'ONG souhaite, depuis quelques années, réduire en importance. Elle déplore, en effet, que le gouvernement se serve du secteur de l'humanitaire comme d'un levier dans la mise en œuvre de certaines politiques. C’est pour répondre à ces nouveaux besoins de financement que l’ONG – qui affiche, en 2008, un budget de 16 millions d'euros – a commencé à réfléchir, dès 2001, à de nouvelles sources qu’elle trouve, par exemple, dans le B2B. Mais tout n’a pas été si simple. «Le monde de l'entreprise nous regardait comme des boyscouts sauvage, et de notre côté, nous craignions la récupération commerciale, l'amalgame de nos grands idéaux avec un produit», témoigne Claude Briade, directeur communication et fundraising pour MSF Luxembourg. Pour éviter cet écueil, MSF s’est fixé comme condition préalable de refuser tout partenariat avec des entreprises d'armement, pétrolifères ou qui soutiennent des régimes totalitaires. Ces partenariats B2B se concrétisent, en général, sous la forme d’un don, dans le cadre d'une stratégie fiscale ou de communication. Une opération qui ne se fait pas sans un «screening» de la part de MSF, afin de s'assurer que l'entreprise partenaire ne se servira pas d'elle comme d'un alibi commercial. «Nous refusons d'être une garantie de merchandising», insiste M. Briade. Si le don est accepté, MSF fait parvenir une lettre de remerciement à l'entreprise, qui tient lieu d'attestation fiscale, pour les dons supérieurs à 125 euros, lesquels sont alors déductible des impôts, puisque l’ONG est reconnue d’utilité publique. Si certaines entreprises coopèrent avec MSF, avec pour objectif principal de réduire leurs impôts, d'autres envisagent le partenariat comme une occasion d'améliorer leur visibilité. L’ONG met alors son logo à disposition de l'entreprise, tout en veillant tout particulièrement à son utilisation raisonnée. C’est une expérience, en particulier qui a rendu l’ONG tout particulièrement vigilante par rapport à ce phénomène. De 2003 à fin 2005, MSF-Lux était sous contrat avec l’entreprise de consommables Buy-aid. Le dernier feuillet des blocs de «post-it» que l’entreprise vendait était consacré à un descriptif de l’ONG - avec le logo - et de ses actions. Pour chaque bloc vendu, la société s’engageait à lui reverser un euro de dividende. Déjà à ce stade, MSF-Lux se rendait compte qu’il ne s’agissait pas d’une situation «win-win». Toutefois, le véritable problème se situait au niveau de la communication de la société, qui a eu tendance à transformer les clauses du partenariat en sa faveur. Ainsi, en pleine campagne de télémarketing, les standardistes étaient souvent tentés de dire que la totalité (et non un euro) du dividende de la vente, était reversé à MSF-Lux. L’ONG, qui eut vent de l’affaire, rompit le partenariat, consciente de l’ombre portée à son image. Néanmoins, elle n’accusa pas l’entreprise, consciente des travers que peut engendrer un télémarketing trop offensif. Une politique plus proactive Forte de ce type d’expérience malheureuse, MSF Luxembourg a décidé de privilégier une politique proactive dans la pratique du B2B, en faisant elle-même des propositions mieux ciblées aux entreprises. Objectif: établir deux partenariats par an. C’est parmi les 250 principaux employeurs du pays que l’ONG entend mettre en place un système «win-win». Pour 2008, un grand projet est en cours de négociation avec une entreprise de recyclage des consommables informatiques. La mission de MSF consistera en l'orientation des entreprises, pour la gestion de leurs déchets, vers cette société qui, en retour, reversera une partie de l'argent issu du recyclage à l'ONG. MSF insiste sur le fait que la charge doit reposer sur l'entreprise et non sur le client: hors de question, donc, d’augmenter unilatéralement les prix de vente. «C'est tout le principe du B2B, précise M. Briade. Nous refusons que l'effort financier repose sur le client, auquel cas, l'entreprise serait gratuitement valorisée par MSF». Un autre projet, dont le lancement est prévu pour juin 2008, est d'instaurer un «Doctor for doctor's day»: 2.000 cabinets médicaux seront sollicités pour reverser leurs recettes des consultations d'une journée à MSF. L'argent récolté permettra de dispenser des soins dans les pays où MSF Luxembourg est active. Après des premiers pas délicats, MSF semble avoir trouvé un certain équilibre dans son approche B2B: «L'entreprise va chercher à valoriser son nom, explique M. Briade. Le package est plus complexe que de l'altruisme pur. Des aspects de fiscalité, de notoriété, de branding sont en jeu. Les entreprises sont des acteurs de notre société que nous ne souhaitons plus ignorer, mais elles ne nous ont pas encore identifié. Nous souhaitons éveiller les consciences au sein des entreprises et les convaincre que MSF peut être leur partenaire».

Par Marie Anne Robberecht, publié le 18.01.2008 sur paperJam.lu

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