22.12.05

Annulation de dettes

Le Fonds monétaire international (FMI) a confirmé mercredi qu'il annulait la dette de 19 pays pauvres, se chiffrant au total à 3,3 milliards de dollars.

Le Conseil d'administration de l'institution monétaire multilatérale a ainsi accédé aux demandes du Groupe des huit pays les plus industrialisés (G8) qui avait demandé au FMI, à la Banque mondiale et à la Banque africaine de développement d'annuler cette dette pour 18 pays.

Le FMI avait ajouté deux pays à la liste établie par le G8, le Cambodge et le Tadjikistan, mais a estimé qu'il souhaitait procéder à des études complémentaires dans le cas de la Mauritanie, notamment sur la question des finances publiques.

"Nous allons annuler 100% de la dette dans les semaines à venir pour 19 des 20 pays", a déclaré le porte-parole du Fonds, Thomas Dawson, lors d'une conférence téléphonique à l'issue de la réunion du conseil d'administration.

Selon M. Dawson, 37 des pays riches sur 43 qui doivent donner leur accord pour que la dette soit définitivement annulée l'ont fait jusqu'à maintenant. "Nous espérons recevoir l'accord des six autres dans les prochaines semaines", a-t-il indiqué.

Les 19 pays qui doivent bénéficier de cette annulation sont le Bénin, la Bolivie, le Burkina Faso, l'Ethiopie, le Ghana, le Guyana, le Honduras, Madagascar, le Mali, le Mozambique, le Nicaragua, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, la Tanzanie, l'Ouganda et la Zambie, auxquels s'ajoutent le Cambodge et le Tadjikistan, moins la Mauritanie.

Les organisations non gouvernementales (ONG) s'étaient inquiétées ces dernières semaines de voir le FMI exclure temporairement de cette liste six pays dans l'attente de les voir respecter des critères de bonne gestion économique.

"C'est bien de constater que le FMI a réalisé qu'il ne pouvait se soustraire à l'annulation de dette promise lors d'une réunion en catimini de son conseil d'administration à Washington", a indiqué un porte-parole d'Oxfam, Max Lawson, mercredi.

Selon l'organisation DATA (Debt Aids Trade Africa), dont le chanteur de rock Bono est l'une des figures emblématiques, la décision du FMI va effectivement permettre aux 17 pays faisant partie de l'initiative pour la réduction de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE), et qui sont inclus dans les 19 choisis mercredi, d'économiser en moyenne 330 millions de dollars par an sur les dix prochaines années.

"Nous sommes soulagés de voir que l'allègement de la dette se transforme enfin en annulation de la dette", a souligné dans un communiqué Jamie Drumond, directeur exécutif de DATA.

"Ce n'est qu'une petite avance sur ce qu'il reste encore à faire mais nous sommes désormais un peu plus près de pouvoir concrétiser les promesses que les pays les plus riches ont fait lors du Sommet du G8 l'été dernier", a-t-il souligné.

DATA a toutefois appelé les pays les plus riches à traduire dans les faits les promesses faites au G8 de fournir une aide supplémentaire de 25 milliards de dollars à l'Afrique et d'augmenter leur contribution financière pour le développement de l'éducation et la lutte contre les pandémies dans les pays les plus pauvres.

Article paru sur le site de Jeune Afrique, le 22 décembre 2005

19.12.05

OMC - un accord en attendant mieux

Un accord en attendant mieux

Les 149 membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont adopté, à Hong Kong, après de longues tractations un accord qui prévoit la fin des subventions aux exportations agricoles pour 2013. Seule l’élimination des aides aux exportations de coton doit intervenir dès 2006. Les pays développés se sont, d’autre part, engagés à permettre à partir de 2008 l’importation, sans droit de douane, de 97% des produits des Etats les moins avancés, de manière à favoriser leur intégration au commerce mondial. Ce compromis évite un nouvel échec des négociations, après celui de Cancun en 2003. Mais il ne va pas aussi loin que les pays du Sud le souhaitaient.

A défaut d’une avancée rapide, il y a au moins un calendrier. Les subventions aux exportations agricoles doivent disparaître d’ici la fin de l’année 2013. Pour les Européens qui ont résisté à la pression, notamment des Etats-Unis et du Brésil, leader du G20 (les grands Etats émergents), cela permet de faire coïncider l’échéance de l’OMC avec la Politique agricole commune dont le financement est aussi prévu jusqu’en 2013. Pour les autres pays, c’est une avancée dans le sens où une date a enfin été décidée après de longues tergiversations autour d’une mesure dont le principe est acquis depuis juillet 2004. Celso Amorin, le ministre des Affaires étrangères du Brésil, a résumé la situation par ces mots : «Nous voulions une date, nous avons une date».

Mais il ne s’agit pas de la date souhaitée au départ. Les membres du G20 exigeaient, en effet, que la disparition des subventions aux exportations agricoles intervienne dès 2010, de manière à mettre rapidement un terme à ce qu’ils nommaient la plus «amorale» des distorsions aux échanges mondiaux. Ces subventions accordées par les pays européens à leurs agriculteurs représentent 90 % du total mondial (soit 2,7milliards d’euros par an) et pénalisent, en effet, terriblement les producteurs des Etats pauvres. En acceptant 2013 comme échéance finale, ces derniers espèrent néanmoins qu’une «partie substantielle» des subventions disparaîtra tout de même plus tôt.

L’enjeu du coton

De son côté, l’Europe a demandé en échange de son un accord pour 2013 un engagement sur «l’élimination parallèle de toutes les formes de subventions aux exportations». C’est-à-dire la suppression des aides alimentaires versées aux pays pauvres par les Etats-Unis ou des monopoles étatiques australien, canadien et néo-zélandais. Ces derniers mécanismes constituent du point de vue européen des subventions déguisées puisqu’ils permettent d’aider les producteurs nationaux par des systèmes d’exonérations fiscales, par exemple.

L’accord de Hong Kong prévoit aussi de supprimer dès 2006 les aides à l’exportation dont bénéficient les producteurs de coton des pays riches. A commencer par ceux des Etats-Unis qui reçoivent chaque année 4 milliards de dollars et se trouvent en concurrence avec les cotonculteurs africains qui ne cessent de protester contre cette situation. Il s’agit de l’une des mesures prévues dans le volet de l’accord consacré à favoriser le développement des 49 pays les plus pauvres. Une autre décision significative de ce plan spécifique consiste en un engagement des pays riches à ouvrir leurs marchés aux pays les moins avancés en permettant l’importation de 97% des produits originaires de ces Etats sans droits de douane, ni contingent, à partir de 2008. Ce geste marque une avancée mais le fait de ne pas avoir décidé cette mesure sur 100% des produits offre tout de même une possibilité de ne pas l’appliquer sur certaines productions stratégiques et réduit donc sa portée.

L’échec a été évité

Le plan adopté à Hong Kong constitue une source de satisfaction pour Pascal Lamy, le directeur général de l’OMC, parce qu’il permet de relancer le cycle de Doha, entamé il y a quatre ans. Les parties ont consenti à un certain nombre de concessions qui ont évité un échec total. Pourtant, les négociations n’ont pas permis d’aboutir au grand accord global souhaité. Un certain nombre de points n’ont pas été réglés et il faudra poursuivre les tractations pour aboutir avant fin 2006 à une libéralisation généralisée des échanges.

Du point de vue des organisations non gouvernementales qui avaient fait le voyage de Hong Kong pour défendre les intérêts des pays du Sud, l’enthousiasme est nettement plus mesuré. Elles estiment qu’aucune mesure ne permet de lutter véritablement contre les causes du sous-développement et que les concessions des pays riches restent trop limitées. Dans les rues de Hong Kong, où des milliers d’altermondialistes défilaient encore dimanche pour protester, le verdict des manifestants était sévère : «L’OMC à la poubelle !». La bataille pour le rééquilibrage du commerce mondial n’est visiblement pas finie.


Valérie Gas
Article publié le 18/12/2005