Note de Raymond Weber du 03.03.05
Harmonisation, action commune, résultats : renforcer ensemble l’efficacité de l’aide au développement
Forum à haut niveau, Paris, 28 février – 2 mars 2005
1. Ce Forum a été préparé par un Comité de Pilotage, présidé par la Banque mondiale, avec des représentants de la France et d’un ensemble d’institutions qui traitent des questions d’harmonisation, d’alignement et de gestion axée sur les résultats : banques multilatérales de développement (notamment la Banque asiatique de développement), Commission européenne, Nations Unies, pays partenaires (Bangladesh, Ethiopie, Nicaragua), Secrétariat du CAD-OCDE et membres du CAD (Danemark, Etats-Unis et Japon). Il a réuni, pendant deux jours et demi, une soixantaine de pays du Nord et du Sud, quelque 50 institutions et plusieurs ONGs et d’autres représentants de la société civile ;
2. Déroulement du Forum :
• la 1re partie était consacrée au thème « Progresser dans la mise en œuvre, contraintes et opportunités », avec 3 sous-thèmes :
- appropriation et responsabilité mutuelle ;
- harmonisation et alignement ;
- société civile et secteur privée ;
• la 2e journée était dédiée à deux fois trois tables rondes :
- action commune de soutien (alignement) aux priorités et aux systèmes des pays partenaires. Pays à faible revenu et pays à revenu intermédiaire ;
- harmonisation et action commune de soutien dans les Etats fragiles ;
- gestion financière publique et marchés publiques ;
- gestion axée sur les résultats en matière de développement ;
- intégrer aux programmes nationaux certaines initiatives mondiales ;
- libérer et renforcer les capacités dans les pays partenaires et donneurs ;
• la 3e journée était essentiellement « ministérielle », avec notamment des interventions de Donald Johnston (SG de l’OCDE), de Jean Lemierre (président de la BERD), James Wolfensohn (Banque mondiale), Haruhiko Kuroda (Banque asiatique de développement), Omar Kabbaj (Banque africaine de développement), plusieurs ministres du développement (Xavier Darcos, France et Hilary Benn, UK). Le Forum s’est terminé par l’adoption de « la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide » ;
3. Cette Déclaration, qui, dans ses premières versions, a été très ambitieuse et voulait constituer un important pas en avant par rapport aux engagements de Monterrey (mars 2002), au Forum sur l’harmonisation à Rome (février 2003) et à la table ronde sur la gestion axée sur les résultats en matière de développement, à Marrakech (février 2004), a été finalement, sous la pression des USA, sensiblement rabotée, concernant notamment les «objectifs - cibles » (targets) préconisées et les indicateurs utilisés.
Les 1res versions avaient ainsi prévu 12 indicateurs de progrès, pour l’appropriation, l’alignement, l’harmonisation et la gestion axée sur les résultats. Les objectifs étaient fixés pour 2010 ;
4. Le principal intérêt de ce Forum, à part cette Déclaration affaiblie, consiste dans les documents souvent excellents qui ont été publiés pour ou en amont de cette réunion. Citons notamment :
- Harmonisation, alignement, résultats. Bilan des progrès accomplis, défis à surmonter et occasions à saisir (Rapport établi par le groupe de travail du CAD-OCDE sur l’efficacité de l’aide et les pratiques des donneurs) ;
- Harmoniser l’aide pour renforcer son efficacité (OCDE 2003, disponible sur le site : www.oecd.org);
- Managing for Development Results. Principles in Action : Sourcebook on emerging good practice, OECD february 2005 ;
- Results-Based Country Programming : Improving Aid Agencies Performance in Managing for Development Results. Emerging Practices Note, OECD January 2005 ;
- Survey on Harmonisation and Alignment. Measuring Aid Harmonisation and Alignment in 14 Partner Countries, OECD-DAC ;
- Harmonising Donor Practices for Effective Aid Delivery : Budget Support, Sector Wide Approaches and Capacity Development in Public Financial Management, OECD-DAC ;
- Harmonising Donor Practices for Effective Aid Delivery : Strengthening Procurement Capacities in Developiung Countries, OECD-DAC ;
- Efficacité et allocation de l’aide, revue des débats, par Jacky Amprou et Lisa Chauvet, AFD novembre 2004, disponible sur le site : www.afd.fr)
- L’Afrique et les Objectifs du millénaire pour le développement, d’Ahmed Rhazaoui, Luc-Joël Grégoire et Soraya Mellali, Economica 2005) ;
- The Reality of Aid 2004, l’APD passée en revue par plus de 40 ONG, disponible sur le site : www.realityofaid.org;
- Pour les différentes interventions et la Déclaration du Forum de Paris, cfr http://www.aidharmonization.org/
5. Les discussions sont restées largement formelles, sans vrai dialogue. Les pays du Nord se sont mis, - une fois n’est pas coutume -, surtout à l’écoute des pays du Sud, invités par le CAD-OCDE et la Banque mondiale.
Elles ont montré que, si la communauté internationale semble aujourd’hui avoir adopté une sorte de discours commun , tournant autour des notions de : alignement (action commune de soutien aux priorités et aux systèmes des pays partenaires), harmonisation des procédures, appropriation/ownership (les partenaires fixent les objectifs), gestion axée sur les résultats, transparence et bonne gouvernance, les interprétations qui en sont données par les différents acteurs divergent pas mal, selon qu’ils viennent du Nord ou du Sud. A signaler aussi que des concepts tels que « développement durable » ou « cohérence des politiques » ont été singulièrement absents du Forum de Paris.
Les objectifs fixés dans la Déclaration:
• renforcement des stratégies nationales de développement des partenaires et des cadres opérationnels correspondants (plans, budgets et cadres d’évaluation des performances, p.ex.) ;
• alignement de l’aide sur les priorités, systèmes et procédures des pays partenaires et soutien au développement des capacités (capacity building) afin de consolider ces systèmes ;
• renforcement des obligations de rendre compte des donneurs et des pays partenaires (mutual accountability) à l’égard des citoyens et des instances parlementaires concernant leurs politiques et stratégies de développement ;
• réduction des doubles emplois dans les efforts des donneurs et rationalisation de leurs activités ;
• réforme des politiques et procédures des donneurs dans un sens qui encourage la collaboration et l’alignement progressif sur les priorités, systèmes et procédures des pays partenaires ;
• définition d’un commun accord de mesures et de normes de performance dans les domaines de la gestion des finances publiques, de la passation des marchés, des garanties fiduciaires et de l’évaluation environnementale et mise en application rapide et généralisée de ces dernières ;
6. Quelques conclusions plus personnelles :
• s’il est toujours intéressant de participer à un tel Forum (depuis Rome, c’est la seule fois où Lux-Development a été invitée par le MAE à participer à une réunion internationale et multilatérale), cet intérêt se réduit de manière substantielle si l’on n’a pas été associé à la préparation du Forum : c’est dans le Groupe de Travail et dans les sous-groupes que les discussions vraiment intéressantes ont eu lieu. Et ce n’est pas seulement LD, non sollicité, qui en a été absent, mais le Luxembourg qui ne semble pas disposer des ressources humaines et intellectuelles pour y participer !
• il semble y avoir aujourd’hui une sorte de fétichisation du management de la coopération au développement : avec une gestion axée sur les résultats, comprenant l’appropriation, l’alignement et l’harmonisation, avec quelques bons indicateurs et une évaluation transparente et commune, plus de problèmes, ou presque !
• la politique de la coopération au développement semble aujourd’hui dominée, d’une part par les Américains, d’autre part par les banquiers et les économistes. Alors que l’Europe assure plus de 50% de l’APD, elle est quasi absente dans des débats contrôlés par la Banque mondiale et le CAD. En plus, la France, le Royaume Uni, d’une part, l’Allemagne, les pays scandinaves d’autre part, ont leur propre agenda ;
• si les pays du Sud ont complètement adopté la phraséologie développementale du Nord, pour faire plaisir à la Banque mondiale et aux A,méricains (dont le Millennium Account éveille beaucoup d’attentes et d’espoirs, mais n’a guère donné lieu, jusqu’ici, à des déboursements et projets concrets), on n’a pas l’impression qu’ils sont vraiment devenus des « partenaires égaux ». Comme le disait déjà si bien A. Hampâté Bâ : la main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit ;
• le seul objectif réellement « intériorisé » par les gouvernements, puisque l’opinion publique semble demander des comptes par rapport à lui, semble être celui du 0,7% du RNB pour l’APD. Mais cela implique qu’on « manipule » de plus en plus cette APD (allègement de dette publique des pays endettés, annulation de créances, coûts d’écolage (frais de scolarité des étudiants du Sud), aide aux réfugiés, opérations de maintien de paix, autres crédits de sécurité, etc.) et qu’on nous ressasse les oreilles avec des « Plan Marshall pour l’Afrique », des taxes internationales ou des IFF (International Financing Facilities) pour compenser une volonté politique défaillante sur l’objectif des 0,7% du RNB ;
• si l’aide budgétaire semble devenir l’instrument essentiel du multilatéral pour la coopération au développement, j’ai l’impression qu’au niveau de la coopération bilatérale cette « mode » ne progresse plus guère : c’est la SWAP (Sector Wide Approach) qui s’impose, autour des 3 concepts-clefs d’alignement, d’harmonisation et d’appropriation ;
• on semble se rendre compte, même si cela n’a pas été vraiment discuté à Paris, que les MDGs (Millennium Development Goals) dont on fera le monitoring en septembre, à l’ONU, vont bouleverser notre conception de l’aide. Ce qu’on visait jusqu’ici, c’était les équilibres macro-économiques et financiers des pays récepteurs et leur capacité à assumer la charge de leurs dépenses courantes. L’aide était fixée en fonction de la perception des capacités d’absorption du pays, pour financer des investissements et non des charges récurrentes.
Avec les MDG/ODM, la logique se renverse, en quelque sorte. D’ici à 2015, il faut que les pays aient atteint des objectifs minimaux en matière de revenu par habitant, de santé, d’eau potable, d’éducation primaire. En créant un standard correspondant à notre vision de ce dont l’homme a besoin, au minimum, pour vivre de manière digne (ce minimum étant aussi la condition d’un bon équilibre socio-politique de la planète), la communauté internationale crée un standard qui, sans se préoccuper des capacités des pays à l’atteindre de façon autonome, signifie que l’aide étrangère va devoir prendre une place importante dans le financement des budgets sociaux d’un certain nombre de pays (pensons au Niger, au Mali et au Burkina Faso, p.ex.), et ce de façon durable.
Jean-Michel Severino, directeur général de l’AFD, dans un récent article du « Monde » (1er mars 2005), dit : « dans le cas standard d’un pays d’Afrique subsaharienne où la fiscalité intérieure représente environ 10% du PIB, l’aide pourrait être portée à 30% du PIB environ pour financer les besoins liés aux ODM ». Ce qui reviendrait, toujours selon Severino, à mettre en place un « filet de sécurité planétaire » à travers lequel la communauté internationale financerait de manière récurrente les budgets sociaux des pays les plus pauvres ;
1 Commentaires:
Nous ne sommes pas encore dans l'Europe prévue par la banque mondiale. Il existe une grande différence entre notre Nation actuelle et celle proposée, c'est que actuellement les politiciens sont nos serviteurs, mais certains d'entre eux se prennent pour nos maitres. Ils oublient que les taxes garantissent leurs obéissances, et cette raison me pousse à rejeter un impot qui ne serait plus qu'un loyer versé à des inconnus prévue par cette nouvelle société que vous présentez. La Nation n'a de richesse que d'homme. D'hommes en bonne santé, bien nourit et cultivés, l'argent n'est qu'un outil, et peu importe les concepts douteux.
8:19 AM
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